Gamifier la mise en place d’un nouvel outil

Quand les entreprises sortent le grand jeu pour accompagner le changement

Mettre en place un nouvel outil dans une entreprise nécessite généralement un accompagnement auprès des futurs utilisateurs pour s’assurer de leur adhésion. Dans un contexte de digitalisation des entreprises, une nouvelle approche centrée sur la motivation permet de susciter l’engagement des utilisateurs: il s’agit de la gamification.

Au premier abord, on aurait tendance à ne pas prendre le sujet très au sérieux. Dans gamification (ou ludification pour éviter l’anglicisme), il y a surtout game (jeu) : un terme que l’on considère plutôt comme étranger au monde de l’entreprise. Mais contrairement aux idées reçues, la gamification n’a vocation ni à transformer le travail en jeu, ni à infantiliser ses utilisateurs : il s’agit d’utiliser les leviers de motivation qui nous font aimer les jeux pour les appliquer à un environnement professionnel.

La gamification consiste à reprendre des fonctionnalités communément utilisées dans les jeux vidéo (une barre de progression, du feedback en temps réel, un classement, des récompenses ou encore des objectifs à atteindre) pour les associer à la réalisation d’une action. En apparence triviaux, ces éléments vont pourtant permettre d’apporter une dimension supplémentaire à l’action qui sera source de motivation : il ne s’agit plus seulement de faire l’action dans le cadre de ses fonctions, mais d’en percevoir de la reconnaissance, de l’interaction sociale ou encore une mesure de sa performance.

Sharepoint 2013 fait partie de ces outils qui ont adopté la gamification pour encourager la participation des utilisateurs. Par exemple, en participant à l’animation de leur communauté, les membres gagnent des points : créer un nouveau post rapporte 10 points, partager un document en donne 20, avoir un post identifié comme meilleure réponse sur un sujet peut faire gagner 100 points, etc. Suite à la comptabilisation des points, les utilisateurs peuvent ensuite recevoir des badges qui les distingueront des autres, intégrant ainsi un sentiment de reconnaissance et de valorisation à leur implication dans la communauté.

Bien entendu, les solutions de gamification sont développées en fonction des objectifs visés, du profil d’utilisateur visé, de la sensibilité du sujet traité, et bien sûr des budgets alloués . En particulier, le niveau de « divertissement » ressenti par les utilisateurs de la solution doit être défini.

  • Pour intégrer de la gamification à un outil de travail, on privilégie – comme dans l’exemple de Sharepoint, une solution discrète dans laquelle les utilisateurs n’ont pas pleinement conscience d’utiliser des mécanismes de jeu. On parle alors de design motivationnel, directement incorporé dans l’outil. Ces solutions ont l’avantage d’être moins coûteuses puisqu’intégrées à un outil existant et accessibles au plus grand nombre.
  • Pour les sujets de communication et de formation qui accompagnent le changement, on pourra aller jusqu’à développer des serious games des modules indépendants qui donnent véritablement l’impression de jouer à un jeu aux utilisateurs, mais qui se révèlent également plus efficaces en terme de mobilisation et d’engagement. Ces solutions sont aussi les plus coûteuses puisqu’elles requièrent une conception et un développement à part entière.

C’est le choix que Natixis Financement a fait en 2013 dans le cadre du déploiement d’Izivente, un projet d’unification des outils d’aide à la vente des réseaux distributeurs. En développant un module de formation e-learning ludique, IziStory, les conseillers et responsables du réseau ont pu découvrir Izivente de manière claire et engageante et ainsi surmonter leurs appréhensions vis-à-vis du nouvel outil.

Aussi ludique que cela puisse paraître, mener un projet de  gamification n’est pas à prendre à la légère . En 2012, le cabinet de conseil américain Gartner prédisait que 80% des projets de gamification n’atteindraient pas leurs objectifs en raison d’une erreur de conception. Cette statistique rappelle que tout projet de gamification requiert une analyse poussée du contexte auquel on devra apporter une réponse de game design adaptée… au risque d’obtenir l’effet contraire à celui escompté.

Omnicare, une compagnie pharmaceutique américaine, en a fait les frais. Pour améliorer son service client et notamment réduire les temps d’attente, Omnicare avait mis en place un jeu pour récompenser les employés du call center qui passaient le moins de temps avec les clients. Les collaborateurs touchaient des primes à l’efficacité et pouvaient suivre leur performance dans un classement qui les mettait en concurrence. Mais quelques semaines après le lancement du jeu, Omnicare a pu constater une nette augmentation de son turnover et une chute de la satisfaction client. La raison de cet échec : la solution de gamification d’Omnicare, perçue comme trop intrusive, a dégradé la relation de confiance avec le management et impacté négativement les relations client.

Il existe un large choix de mécaniques de jeu parmi lesquelles il n’est pas toujours évident de faire son choix. Les collaborateurs répondront-ils plus favorablement à un système de comptabilisation de points ou de classements entre utilisateurs ? Et surtout, quelle approche sera la plus cohérente avec la culture de l’entreprise ? La difficulté principale réside dans le fait qu’il existe autant d’axes de gamification que de raisons pour lesquelles les gens aiment jouer. Tout comme on peut distinguer des sources de motivation différentes entre collaborateurs, il existe des profils de joueurs caractérisés par ce qu’ils attendent du jeu. Ils ont été regroupés en 4 grandes catégories par le spécialiste du game design Richard Bartle :

  • Les « tueurs » veulent être mis en compétition et sont motivés par les fonctionnalités qui leur permettent de mesurer leur performance par rapport à leurs pairs (classements, rangs…).
  • Les « réalisateurs » aiment relever des défis et apprécient avoir des objectifs à remplir, des niveaux à atteindre ou des récompenses virtuelles à collectionner.
  • Les « explorateurs » attendent de faire des découvertes et de vivre des expériences. Ils sont plus réceptifs aux serious games qui leur proposent des univers riches et travaillés mais peuvent passer complètement à côté de design motivationnel.
  • Les « sociables » jouent pour les interactions sociales. Ils seront motivés par les flux d’actualité, les listes d’amis et les chats entre utilisateurs.

Enfin, une fois la solution mise en place, il est important de savoir l’employer à sa juste valeur et surtout de lui donner du sens. La gamification reste un moyen et non une fin en soi. Comme pour tout outil, le management doit savoir précisément pourquoi elle est utilisée, en quoi cela contribue au changement et quelles répercussions elle aura en dehors de la sphère digitale.

Plus encore, l’outil doit faire sens auprès des collaborateurs : les points accumulés, les badges et les classements doivent avoir une portée plus large que le jeu pour continuer à être source de motivation.

3 expériences de gamification à découvrir :


Waze

WAZE

Waze est une application de trafic et de navigation communautaire (GPS) qui utilise les contributions de ses membres pour mettre à jour sa cartographie. Pour inciter sa communauté à participer, Waze a mis en place un système de points avec des récompenses en fonction des kilomètres parcourus, des biens virtuels à gagner en suivant des itinéraires particuliers, ou encore des classements entre utilisateurs.

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Playbrush

PLAYBRUSH 

Parce que la gamification n’est pas seulement réservée aux adultes, Playbrush transforme la brosse à dent en manette de jeu. Grâce à une application mobile qui transforme leurs mouvements en jeu d’aventure, les enfants sont incités à se brosser les dents régulièrement, plus longtemps et plus soigneusement.

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Duolingo

DUOLINGO

Duolingo est une application gratuite d’apprentissage des langues étrangères qui a choisi d’utiliser la gamification pour motiver les utilisateurs : barres de progression, compteur de « vies », feedback en temps réel, points d’expérience, monnaie virtuelle, objectifs quotidiens, niveaux, communauté d’utilisateurs, etc.

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.Ces trois solutions ont été récompensées à l’occasion des Gamification Awards de 2014 et 2015

Par Aline, Consultante

Sources :

TechnologyAdvice. The Beginner’s Guide to Gamification. TechnologyAdvice.com. [Online] 2014.
eLearning Industry. Top Gamification Stats and Facts For 2015 Infographic You Need To Know. Elearning Infographics.com. [Online] Juin 16, 2015.
Bhobe, Siddhesh. 12 Ways To Make Your Gamification Project Fail. HR Examiner. [Online] Mai 2, 2013.
Fogel, Guy. Will 80% of gamification projects fail? Giving credit to Gartner’s 2012 gamification forecast. Game Effective. [Online] Mai 30, 2015.
Stewart, Bart. Personality And Play Styles: A Unified Model. Gamasutra. [Online] Septembre 1, 2011.
Duggan, Kris and Shoup, Kate. What are some player types in business gamification? For Dummies. [Online] Février 2013.
Bunchball. Gamification 101: An Introduction to the Use of Game Dynamics to Influence Behavior. Bunchball – The leader in Gamification. [Online] Novembre 2014
Bunchball. Building more dynamic teams with gamification. Bunchball – The leader in Gamification. [Online] Mars 2013.
Bunchball. Enterprise Gamification: The Gen Y Factor. Bunchball – The leader in Gamification. [Online] 201

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