La fin des grilles télé est-elle programmée ?

« Chéri qu‘est ce qu’on regarde ce soir ?», la réponse à cette question anodine pour le spectateur  est au cœur des préoccupations des chaines de télévision. Il s’agit de proposer le bon programme, au bon moment pour capter le téléspectateur et l’inciter à choisir sa chaine et à y rester. Pour être en mesure de définir le programme de la semaine, un dispositif important de « programmation » est mis en place avec des équipes dédiées.

Il y a d’abord la programmation à long terme avec l’élaboration de la grille hebdomadaire théorique. Il s’agit de positionner sur chaque créneau horaire le type de programme le plus approprié (jeu, programme, série, magazine, journal, sport…). Cette première étape structurante correspond à un choix éditorial et budgétaire. Il nécessite de bien connaitre le public visé sur chaque créneau horaire (jeunesse de 7h à 8 h…) A ce stade, il n’y a pas encore de titres d’émission ou de film. Pour coller au mieux aux attentes du public, l’année est découpée en 4 grilles ou semaines types (été, rentrée, hiver, printemps).

Huit semaines avant la diffusion, la programmation à moyen terme prend le relai pour faire le lien entre la grille « théorique » et  le stock de programmes disponibles. On parle à ce stade de préconducteur : la case générique Série devient Cold Case, la case Sport est remplacée par Coupe du monde de Rugby.  Plusieurs directions sont sollicitées : la Direction des Antennes responsable de l’acquisition des programmes, la Direction artistique pour fabriquer les éléments d’autopromotion (ex : Tout de suite votre programme, Ce soir votre chaine vous propose…), la direction de la publicité, les bandothécaires pour numériser les fichiers qui seront diffusés,….

Le préconducteur s’affine au fur et à mesure avec le numéro de l’épisode pour une série, le nom des équipes qui s’affronteront pour la coupe du monde…

La date butoir est de 21 jours avant la diffusion. C’est à cette date que les chaines « arrêtent » le programme de la semaine et l’envoient au SEPM (Syndicat des Editeurs de la Presse Magazine). Cet organisme centralise l’ensemble des programmes des différentes chaines et produit le programme télé tel qu’on le connait. Cette étape marque le passage entre le préconducteur et le conducteur.

Dès lors, le travail se poursuit avec les équipes de la programmation à court terme pour réaliser les derniers ajustements davantage techniques : ajustement à la seconde de l’enchainement des programmes, vérification de la fiche technique des supports (PAD technique, version,…)… Jusqu’au dernier moment, le conducteur peut évoluer et prendre en compte les imprévus (édition spéciale,…).

Face à ce modèle « classique » de diffusion, un nouveau modèle a vu le jour aux États-Unis, avec Netflix en chef de file : celui de la vidéo à la demande sur abonnement.

Dès lors, la préoccupation n’est plus dans la programmation, mais dans la mise à disposition d’un panel représentatif et suffisamment riche, capable de détourner le spectateur d’un réflexe de téléchargement et de l’orienter vers une offre payante.

Comme l’indique Pierre Sérisier dans son article paru sur le blog du Monde « Netflix, la révolution à minima » « La révolution que propose Netflix pourrait bien être à minima en terme d’offres et de consommation. En revanche, elle va sceller une transformation beaucoup plus importante et déjà en cours, celle d’une consommation totalement individualisée et non ritualisée. Une consommation comparable à celle de la littérature. »

En France cette transformation est déjà amorcée par les chaines avec la mise à disposition de contenu avant ou après leur diffusion (replay, VOD, TV à la demande,…) : la programmation ne peut plus être le seul outil de valorisation des contenus, d’autres vecteurs sont à développer ou à inventer.

Par C.V., Manager

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