Décarboner l’industrie : cap sur la ZIBaC Loire-Estuaire
Véritable métabolisme de notre économie, l’industrie transforme les matières brutes (minerais, énergie et hydrocarbures) en produits et substances divers utiles à notre vie quotidienne comme se déplacer, se nourrir, se loger, se divertir… Mais, elle génère un nombre important de déchets.
En France, ce secteur est l’un des principaux contributeurs aux émissions nationales de gaz à effet de serre. Dans un contexte d’urgence climatique, sa décarbonation constitue donc un enjeu majeur de transformation.
C’est dans cette dynamique qu’a été lancé en 2021 le plan « France 2030 », programme d’investissement massif doté de 54 milliards d’euros visant notamment à relancer la compétitivité industrielle, booster l’innovation et soutenir la transition écologique. Parmi les outils-clés de cette stratégie : les Zones Industrielles Bas Carbone (ZIBaC), conçues comme des territoires pilotes pour expérimenter des trajectoires locales de décarbonation industrielle.
Engagé aux côtés des acteurs du développement durable, notamment le Ministère de la transition écologique et l’ADEME, Artimon a souhaité mieux comprendre les enjeux des ZIBaC et les opportunités pour les territoires. Pour cela, nous avons rencontré Martin DEVYVER, secrétaire général de l’Association Décarbonation Loire Estuaire (ADELE), en charge du pilotage de la démarche Loire Estuaire Décarbonation, financée par ZIBaC sur le territoire Loire Estuaire.
Qu’est-ce qu’une ZIBaC ?
En 2022, l’ADEME (Agence de la transition écologique) lançait l’appel à projets « Zone Industrielle Bas Carbone » ou ZIBaC, dispositif qui s’inscrit pleinement dans la stratégie nationale de décarbonation de l’industrie, ciblant en particulier les zones les plus émettrices : zones industrialo-portuaires, plateformes chimiques, etc.
Véritables territoires pilotes de la transition industrielle, les ZIBaC ont ainsi vocation à dessiner des trajectoires ambitieuses de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle territoriale et accélérer la recherche sur les infrastructures, synergies et innovations technologiques capables de répondre aux défis actuels et futurs en matière de décarbonation du secteur.
L’appel à projet s’articule en deux phases :
- La phase 1, dite de « maturation », qui finance des études d’opportunité et de faisabilité afin d’esquisser des trajectoires de décarbonation à l’échelle de zones fortement émettrices. 11 territoires ont été lauréats de ce 1er appel à projet.
- La phase 2, dite « d’accompagnement », qui permet d’approfondir ces scénarios et de préparer la mise en œuvre concrète des projets identifiés. Elle a récemment été lancée en 2025 et est accessible uniquement aux lauréats de la première phase.
Ces démarches sont généralement pilotées par une entité gouvernante (association dédiée, pôle de compétitivité, groupement d’intérêt public), accompagnées par des acteurs publics et industriels du territoire volontaires pour s’engager dans la démarche, parfois en charge du pilotage d’une ou plusieurs études. Des plénières organisées par l’ADEME 2 fois par an permettent l’échange et la fertilisation croisée entre ZIBaC.
Le territoire Loire-Estuaire est devenu lauréat du 1er volet de l’appel à projets ZIBaC en 2023. Quelles sont ses principales caractéristiques ?
Lauréat de la phase 1 en 2023, Loire-Estuaire est le quatrième territoire retenu après Le Havre, Dunkerque et Fos-sur-Mer.

Créée en 2023, c’est l’association ADELE (Association de Décarbonation Loire Estuaire), qui porte la démarche, nommée Loire Estuaire Décarbonation, accompagnée par une pluralité de partenaires (collectivités locales, Région, Grand Port Maritime, industriels volontaires de la zone, organismes de formation, acteurs du développement local, etc.), tous rassemblés autour d’un objectif commun : travailler à la transition énergétique et écologique de ce territoire industrialo-portuaire de 28.500 emplois, pour faire émerger un hub d’énergies décarbonées, avec pour ambition d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Pour cela, une vingtaine d’études sont en cours avec une finalisation prévue d’ici l’été 2026.
Ce territoire présente une spécificité forte : ses émissions de CO2 sont majoritairement liées à l’activité énergétique (import/export d’énergies fossiles), là où les émissions d’autres ZIBaC sont plutôt liées à l’industrie manufacturière (chimie, ciment, acier, etc.). L’enjeu est donc double : assurer la résilience de ce territoire stratégique tout en lui permettant de conserver son rôle central dans les flux nationaux d’énergies et en accompagnant sa transformation vers un modèle bas carbone.
Parmi la vingtaine d’études menées par la ZIBAC Loire-Estuaire, quels sont les principaux axes d’études et les projets ?
Sur ce territoire fortement marqué par l’activité énergétique, prêt de la moitié des études engagées vise à explorer les bases d’un futur hub d’énergies décarbonées :
- Parmi les projets phares, on note notamment une étude prospective des besoins en électricité des vingt prochaines années, dans un objectif de renforcement de la capacité de production et de distribution d’énergie sur le territoire d’ici 2030, pilotée par RTE (le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français).
- Autre axe stratégique, le projet GO – CO2 s’intéresse au captage, transport et liquéfaction de CO2, notamment celui émis par les cimenteries des départements limitrophes, Deux Sèvres et Mayenne notamment.
- L’hydrogène fait également parti des axes d’études de la démarche, avec plusieurs études visant à explorer l’opportunité :
- D’un terminal d’import / export d’hydrogène sous ses différentes formes
- D’un réseau local d’hydrogène adapté aux besoins industriels du territoire
- D’une connexion aux réseaux hydrogène à l’échelle nationale et européenne, en anticipant également la création de zones de stockage d’ici 2035-2040
- Des études prospectives analysent en parallèle les futurs besoins énergétiques du territoire et les ressources mobilisables pour y répondre, comme la biomasse, tandis que d’autres s’intéressent aux filières émergentes, telles que les carburants de synthèse, en croisant le potentiel local et les demandes industrielles.
Au-delà de l’énergie, d’autres études sont menées sur le thème de l’écologie industrielle territoriale (EIT) qui vise la détection de synergies entre acteurs, afin de créer des boucles locales d’énergie ou de matière.
La résilience du territoire face au changement climatique est également étudiée, pour préparer les infrastructures et les implantations industrielles aux vulnérabilités à venir.
Enfin, le reste des études est dédié au développement économique du territoire, qui passera par son attractivité et des conditions d’accueil favorables à l’implantation industrielle et à l’innovation (foncier disponible, sites d’essai ou de démonstrateur, etc.).
Découvrez la liste des projets de la ZIBaC Loire-Estuaire >
Les études de la phase 1 étant bien avancées, qu’est-il prévu pour la suite ?
À l’été 2026, le programme Loire Estuaire Décarbonation entrera dans la deuxième phase de l’appel à projets, pour une durée maximale de cinq ans. Cette étape vise à financer des études d’ingénierie plus approfondies, qui permettront d’affiner les scénarios esquissés en phase 1, de mener des études d’ingénierie détaillées sur les projets structurants qui ont émergé en phase 1, mais aussi d’explorer de nouvelles pistes non étudiées jusque-là.
Si les ZIBaC ont pour ambition de proposer des trajectoires de décarbonation cohérentes et ambitieuses à l’échelle territoriale, elles doivent aussi permettre d’identifier les projets stratégiques à engager en priorité. C’est tout l’enjeu de cette seconde phase : passer du diagnostic à l’action, en se rapprochant au plus près de la concrétisation des grands projets de transformation industrielle. Cette nouvelle phase financera uniquement des études, et non les investissements ou la réalisation des infrastructures elles-mêmes.
Si les dispositifs de soutien nationaux comme « France 2030 » ou les programmes européens pourront apporter une part significative des financements (à la fois pour les études et les travaux), ils ne suffiront pas à couvrir l’ensemble des besoins. La réussite de la démarche passera également par la création de conditions de marché favorables, le développement d’une réglementation adaptée, et l’engagement fort des pouvoirs publics et des industriels du territoire.
Conclusion : un défi collectif à la hauteur des enjeux… La démarche Loire Estuaire Décarbonation marque une étape importante dans la transformation industrielle du territoire. En mobilisant un large éventail d’acteurs autour de trajectoires de décarbonation partagées, elle pose les bases d’une transition progressive, appuyée sur des études techniques et des priorités clairement définies. Si le passage à l’action dépendra de nombreux facteurs — financements, cadre réglementaire, engagement des partenaires — cette dynamique territoriale constitue déjà un levier concret pour anticiper les mutations à venir et renforcer la résilience du tissu industriel local.
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