Comment les chaînes de télévision réinventent leur modèle économique ?

Artimon

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Au cœur d’une lutte féroce dans une économie de l’attention, les chaînes de télévision, gratuites comme payantes, doivent repenser leur modèle économique (Annexe 1). Bien que les plateformes de streaming ne représentent que 30% du temps d’écran selon « Le Revenu », les médias traditionnels font, malgré tout, face à une diminution graduelle de leur audience, de -0,7% entre 2021 et 2022 selon l’ARCOM, ainsi qu’à son vieillissement. Le Monde estime l’âge moyen des téléspectateurs à 63 ans pour le journal télévisé de France 2, et à 57 ans pour celui de TF1. Les chaînes de télévision sont donc contraintes de redéfinir et mettre à jour leur expérience spectateurs, et par conséquent, leur business model.

La démocratisation des contenus numériques et la perte d’intérêt des nouvelles générations entraînent une réticence des sources de financement, telles que la publicité, à investir dans ce secteur. En effet, alors que, selon l’ARCOM, l’ensemble des recettes publicitaires vont continuer de croitre, d’environ 2,3% par année, d’ici à 2030, 65% de ces dernières seront attribuée au numérique, dont 45% aux grands sites comme Meta, Alphabet ou encore Amazon, et seulement 6.4% sera redistribué au numérique des acteurs historiques, comme la télévision, radio, presse etc. Enfin, les financements vont également décroitre de 800 millions d’euro d’ici 2030 pour les médias qui investissent dans l’information et la création de contenus (Annexe 2).

Avec une croissance annuelle moyenne du chiffre d’affaires de moins de 1% pour les chaînes gratuites depuis 2006 (Cf Evolution du CA des chaînes gratuites depuis 2006) et 53% de leur chiffre d’affaires en 2022 provenant des revenus publicitaires, des questions se posent quant à la durabilité de ces chaînes gratuites (Cf Ventilation par type de recettes du CA des chaînes gratuites en 2022).

Les alternatives et leur potentiel économique

En réponse à l’évolution des comportements des consommateurs et à la saturation des modèles d’abonnements des services de streaming, les chaînes comme TF1, M6 et FTV ont lancé leur Fast TV. Selon la revue européenne des médias et du numérique, ce modèle propose des chaînes thématiques linéaires gratuites, financées par la publicité et maximisant la création de valeur à travers une synergie entre les contenus traditionnels et numériques. Alors que les revenus publicitaires actuellement générés par ce format sont encore bien modestes (90,3 millions d’euros en 2022 pour TF1+) par rapport aux chaînes de télévision traditionnelles (1,7 milliard d’euros pour TF1), ces revenus devraient surpasser ceux de la télévision traditionnelle aux Etats-Unis d’ici 2025.

Ce modèle hybride contribue non seulement à prolonger la vie des programmes populaires en augmentant les opportunités de revenus publicitaires, mais offre également aux producteurs un nouveau marché pour amortir les coûts de production. Selon le journal Media Leader, 78% des Français perçoivent ce format comme innovant et 77% comme pertinent. Ce mode de communication résonne particulièrement avec les segments de la population qui utilisent fréquemment les outils numériques, notamment les personnes âgées de 18 à 49 ans. Près de 500 chaînes gratuites diffusées en streaming sont déjà disponibles sur le marché français.

De plus, les chaînes de télévision doivent se démarquer des géants du numérique en créant des contenus originaux et en renforçant leur marque pour fidéliser les spectateurs. Ainsi, les stratégies éditoriales se recentrent autour de certaines émissions, devenues des produits identitaires, tel que « Danse avec les stars » et « The Voice ». La collecte de données joue un rôle crucial pour personnaliser l’expérience utilisateur et pour orienter les décisions éditoriales et marketing. Un ciblage précis des audiences est également nécessaire afin de sélectionner le bon moyen de diffusion.

En effet, l’expérience du spectateur dépend fortement du contexte de diffusion, notamment sur Internet où les programmes sont segmentés et archivés pour une utilisation répétée, transformant le contenu télévisuel en « stock » numérique. Le passage à une stratégie multicanaux garantit une présence de marque robuste à la fois sur les plateformes numériques et traditionnelles, en adaptant les messages, ce qui renforce une expérience de marque plus impactante et joue un rôle clé dans la génération de revenus, en attirant les annonceurs et en ouvrant des opportunités de monétisation.


En conclusion, le rôle du « branding », la création de contenus attractifs et engageants à travers des produits identitaires, est de capter une audience jeune de plus en plus dispersée. Ce processus permet de créer une expérience de marque cohérente, renforçant la reconnaissance et la valeur de la marque, ainsi que la fidélité de l’audience. La diversité dans le numérique, avec la Fast TV notamment, est ainsi devenu un des objectifs stratégiques majeurs des groupes télévisuels selon Vision Media.

De plus, d’autres mutations attendent le secteur, portées par l’émergence de nouvelles technologies. Le cloud permettrait notamment d’améliorer la gestion du contenu, tandis que le recours à l’intelligence artificielle pourrait transformer profondément la manière dont celui-ci est créé et distribué – avec les enjeux éthiques que cela implique.

Finalement, le secteur anticipe une évolution vers des expériences de contenu plus personnalisées et immersives d’ici 2028, grâce à l’IA, la réalité virtuelle et la convergence des plateformes afin de rester compétitif dans un secteur en rapide mutation.


Artimon contribue à l’optimisation des moyens humains, financiers, matériels et immatériels du secteur des Médias en s’appuyant sur deux leviers principaux : l’efficacité des processus et la performance des outils.


ANNEXES

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