Pourquoi les petites structures de conseil demeurent une alternative de valeur aux grands réseaux internationaux ?

Antoine BERTHOUD - Artimon

Antoine Berthoud

Consultant Senior

La concentration dans le secteur du conseil fait rage depuis de longues années, soutenue par l’idée que ce serait une chance pour le marché et les clients. Ces derniers auraient intérêt à avoir en face d’eux des structures importantes, présentes à l’international, avec des méthodes normalisées s’appuyant sur des expériences les plus diversifiées. C’est sans doute vrai, mais peut être pas dans tous les cas…
Nous observons en effet  encore un bon nombre de projets sur lesquels les prescripteurs font appel à des cabinets plus modestes en taille, à l’instar d’Artimon. Quelles peuvent être les motivations de nos clients dans ces cas là ?

L’équilibre des rapports de force en faveur du client

Indépendamment de la qualité perçue en avant vente de la proposition, de l’équipe pressentie, et du critère budgétaire, le rapport de force qui va s’installer entre le client et son conseil peut être un élément de choix décisif. Lorsqu’un projet rencontre des difficultés, ce qui ne manque pas d’arriver dans les contextes complexes, et quelle qu’en soit la nature, avoir un cabinet de conseil plus petit que soi, n’ayant pas le « bras trop long », avec un rapport de force en faveur du prescripteur peut être un atout pour ajuster les méthodes, les équipes ou les budgets. Les réseaux des dirigeants de cabinets de conseil internationaux sont très puissants, ce qui peut présenter un intérêt pour les prescripteurs dans certains cas, mais peut également devenir un risque.

L’adaptabilité des méthodes

Un argument important en faveur des structures de taille modeste est la dimension méthodologique. Les grands réseaux internationaux font valoir des méthodes éprouvées, adaptées à toutes situations et capables de traiter les projets les plus complexes. Très séduisant, mais à quel prix ? Pour répondre à de telles exigences, ces méthodes sont extrêmement sophistiquées, voire complexes, et difficilement adaptables. Elles supposent des équipes nombreuses, avec une séparation très morcelée des responsabilités. Elles impliquent aussi une participation très codifiée de la part des ressources internes qui peuvent avoir du mal à s’intégrer dans ces projets et à faire valoir leurs contraintes. Les plus petites structures de conseil s’appuient quant à elles sur des méthodes souvent plus légères et pragmatiques. Ces méthodes sont moins exhaustives, bien entendu, mais répondent souvent efficacement aux enjeux des prescripteurs : rapidité, légèreté, prise en compte des contraintes locales.
En matière de conseil, le « prêt à porter » méthodologique est plus cher que le sur mesure.

L’autonomie des consultants

Les grosses équipes de cabinets internationaux comportent une proportion de consultants junior parfois très forte. Cela s’explique à la fois par un turnover souvent plus important dans les grandes structures de conseil, en raison de politiques de gestion des ressources humaines plus agressives (notamment le principe du « up or out » : si les consultants ne montent pas en grade selon les critères d’ancienneté définis par le cabinet, ils doivent partir), mais également par les objectifs de profitabilité fixés aux dirigeants de ces cabinets, imposant un fort ratio de ressources juniors sur l’ensemble des ressources. Ces consultants junior sont naturellement moins autonomes que des profils plus expérimentés, moins aptes à réagir et nécessitent un encadrement pour être véritablement efficaces. Ils trouvent leur place sur les projets mais dans des proportions mesurées. Les cabinets à taille humaine ont quant à eux une pyramide des expériences plus verticale (moins de juniors, plus de seniors) qui leur permet de proposer des équipes parfois plus seniors et autonomes.

La logique de profitabilité et l’enjeu d’image

Deux éléments supplémentaires viennent appuyer en faveur des cabinets à taille humaine :

  • la logique de profitabilité, sur laquelle la pression est plus forte dans les grandes structures, le capital y étant plus dilué que dans les structures plus modestes où le capital est le plus souvent détenu par les quelques dirigeants peu nombreux et soucieux, avant tout, de satisfaire leurs clients, avec une moindre pression sur la profitabilité.
  • l’enjeu d’image ou de réputation, qui est plus fort dans les structures modestes où un « mauvais » projet peut détruire rapidement toute une réputation, alors que l’image des grands réseaux est si bien installée qu’un projet « raté » n’a aucune influence sur l’image du cabinet.

Ces deux éléments expliquent pourquoi les cabinets à taille humaine sont à la fois souvent plus à l’écoute de leurs clients et plus adaptables quand c’est nécessaire.

En conclusion, il est important de rappeler que pour certains projets nécessitant une présence multi-régionale avec des équipes très nombreuses, l’intervention des grands cabinets internationaux est indispensable.
Cependant, pour d’autres contextes, il faut saluer les décideurs qui font travailler les petits cabinets : ils font preuve d’une réelle indépendance d’esprit et savent prendre des risques, car en cas d’échec, le choix d’un cabinet à moindre notoriété pourra leur être reproché. Il est fréquent de recourir aux grands cabinets car c’est un choix incontestable en matière de qualité de la signature. Mais est-ce toujours le meilleur en termes d’efficacité et de budget ? Dès que les dimensions des projets sont plus modestes, que les équipes nécessaires sont plus légères, que les méthodes doivent faire preuve de pragmatisme et de souplesse, que l’implication de chaque consultant devient le premier facteur de succès, et que le client est attaché à un rapport de force avec son conseil en sa faveur, alors les cabinets à taille humaine deviennent des options pertinentes, voire décisives.

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