Emergence de l’Intelligence Collective en entreprise

Qu’est-ce l’intelligence collective ?

Pour espérer comprendre cette notion, il est important de réaliser que l’intelligence ne naît pas uniquement d’un cerveau seul. Elle peut également émerger de groupes d’individus. On pourrait ainsi définir l’intelligence collective comme le fait, pour une communauté de personnes, d’agir  ensemble d’une manière pouvant être jugée intelligente.

Cette définition permet de voir qu’elle existe depuis très longtemps et sous de nombreuses formes : une tribu, une association, une entreprise ou même un pays entier sont des exemples de groupes de gens qui travaillent ensemble de façon intelligente.

A l’opposé, il est également possible pour un groupe de travailler d’une manière qui semble stupide. La stupidité collective est une notion tout aussi cohérente (faites le test : dans la définition précédente, prenez intelligent/intelligence et remplacez-les par stupide/stupidité, ça marche !).

Intelligence et stupidité collectives ont toujours existé, comme les deux faces de la pièce « collaboration » mais ce n’est que récemment qu’ont été théorisés – et répandus – les facteurs permettant de favoriser l’émergence de l’intelligence collective dans une organisation.

Quelques résultats récents issus d’intelligences collectives

Avec l’avènement d’internet et des smartphones, les résultats de l’intelligence collective ont pris des proportions jusqu’ici jamais vues.

  • Google analyse les contenus de millions de sites internet et recroise ces informations avec les milliards de recherches effectuées sur son moteur de recherche pour proposer des services dont la pertinence et la personnalisation peuvent impressionner. Du « chaos » des volontés individuelles naît de l’ordre. Et beaucoup d’argent.
  • A l’opposé, Wikipédia est une plateforme où des milliers de personnes dans le monde entier ont collectivement créé un contenu culturel incroyablement riche et d’une haute qualité sans presque aucun contrôle centralisé. Et tout cela, gratuitement !
  • Plus récemment a émergé la plateforme Waze, agrégeant les données sur le comportement de conduite de ses millions d’utilisateurs pour proposer des itinéraires à faire rougir le meilleur boitier GPS. Mais Waze utilise également l’intelligence collective de ses utilisateurs en les mobilisant afin d’obtenir des informations qualitatives en temps réel sur le trafic (accidents, travaux, etc.) ou encore en les impliquant dans l’amélioration de la cartographie support de l’application.
  • Un dernier exemple, pouvant s’apparenter à de l’art à l’âge des trolls et des réseaux sociaux, est apparu sur le site internet Reddit à l’occasion du 1er avril 2017 : le célèbre réseau social a mis à la disposition de sa communauté un tableau blanc de quelques millions de pixels,  chacun coloriable par n’importe qui. La seule règle en place ? Après avoir colorié un pixel, un utilisateur doit attendre 5 min pour pouvoir recommencer. 3 jours et des milliers de fils de discussions plus tard, les volontés, tantôt conjuguées, tantôt divergentes, de plus d’un million d’utilisateurs avaient produit ce résultat.

Ces quelques exemples emblématiques sont issus de l’intelligence collective de plusieurs milliers – voire millions – de personnes, aidées d’outils numériques facilitant les échanges d’information. Mais  elle peut – et devrait – émerger dans des organisations de toutes tailles. Qu’il s’agisse d’une entreprise dans son intégralité, d’un de ses départements ou d’une simple équipe projet, la convergence de quelques conditions permet de favoriser l’émergence de l’intelligence collective.

Les clés de l’intelligence collective au service des organisations

Le succès de cette forme d’intelligence au sein d’une organisation – et, concomitamment, le succès de l’organisation grâce à celle-ci – dépend de plusieurs facteurs.

  • Créer et animer une communauté

En développant une identité à laquelle chacun de ses membres adhère, une organisation transmet à ses membres l’envie individuelle de faire progresser le groupe, l’organisation dans son ensemble. Cette identité passe par des valeurs, une « personnalité » propre au groupe et, évidemment, l’occasion pour ses membres de créer du lien.

  • Définir et s’approprier un objectif commun

Créer une communauté ne suffit pas à y faire naître une intelligence collective. Afin d’orienter toute l’énergie et toutes les compétences du groupe dans la même, la bonne direction, il convient d’aligner le groupe avec un objectif commun. Et quel meilleur moyen pour ce faire que d’impliquer les membres de ce groupe dans la définition de cet objectif, afin d’accorder au mieux l’objectif du collectif et les objectifs individuels…

  • Prôner la liberté d’action et l’autonomie

Sur cette base (communauté + objectif), l’intelligence collective pourra naître des interactions entre les membres du groupe. Pour favoriser ces dernières, il convient de permettre aux collaborateurs d’une équipe de prendre des initiatives, de passer à l’action de manière autonome et de faire des choix par eux-mêmes, individuellement et en tant que collectif.

  • Apprendre à apprendre ensemble et accepter l’erreur

Tirer parti de ses erreurs et capitaliser sur ses expériences peut déjà être difficile à titre individuel et cet exercice peut devenir d’autant moins évident à accomplir de manière collective. Tout groupe doit apprendre à apprendre ensemble. Il s’agit de prendre l’habitude de capitaliser sur les échecs commis par les membres individuellement et par le groupe entier afin d’adapter ses actions en conséquence. Cela exige du groupe un comportement responsable face à l’échec ainsi qu’une réelle solidarité pour affronter ensemble les difficultés.

  • Diversifier les profils et adapter l’organisation au cas par cas

Pour favoriser l’intelligence de l’organisation, il faut réussir à construire un ensemble cohérent des expériences et savoir-faire de chacun. L’un des meilleurs moyens d’y parvenir est de structurer le travail du groupe de sorte à ce que chaque membre puisse y accomplir ce qui entre dans son champ de compétences. Une connaissance réciproque des points forts et des points à améliorer de chacun est un pré-requis pour une telle flexibilité.

  • Partager l’information, toute l’information

Afin de créer un maximum d’échanges au sein du groupe, il convient de partager le même niveau d’information à chaque instant. Chacun peut ainsi se positionner en temps réel par rapport aux autres, déceler des opportunités et passer à l’action en prenant les bonnes décisions. Les informations tant externes (demandes d’un client, besoins d’une équipe projet en interface ou posture vis-à-vis d’un concurrent, etc.) qu’internes au groupe (partis pris, habitudes et postures non partagés) peuvent créer des problèmes dans sa dynamique. Développer une culture encourageant le partage de ses inquiétudes comme de ses succès permet de fluidifier les échanges et d’éviter les malentendus.

Et le numérique dans tout ça ?

La diffusion de ces pratiques au sein des organisations n’est pas chose aisée, de nombreux obstacles organisationnels et/ou culturels s’y opposent (hiérarchie en place, égo individuel, etc.). La transition numérique pourrait être l’occasion de redistribuer les cartes et de favoriser l’émergence de l’intelligence collective dans l’entreprise. Les quelques cas évoqués au début de cet article sont justement des exemples de réussite pouvant être attribués à des acteurs numériques agrégeant les connaissances et les compétences de milliers de personnes.

Le schéma ci-dessous présente des exemples d’outils favorisant l’un ou l’autre des facteurs cités plus haut. On voit ainsi avec ces quelques exemples qu’intelligence collective et transition numérique vont de pair. Les métiers du conseil, déjà en première ligne du grand chantier de la transition numérique, doivent également répondre à ce deuxième enjeu de l’intelligence collective, en adoptant tout d’abord les méthodes dans le cadre de projets de transformation numérique, mais aussi en accompagnant leurs clients dans la diffusion de ces mêmes méthodes au sein leur organisation.

Par Romain, consultant.

Sources :

Harvard Business Review.Pour se réinventer, les grands groupes doivent adopter « l’effectuation »
Harvard Business Review. 
Redécouvrez l’intelligence collective
AEON. 
How collective intelligence overcomes the problem of groupthink ?
CFA Institute. 
Collective Intelligence : Three Factors for Building Smarter Teams
NY Times. 
Why Some Teams Are Smarter Than Others
Wbur. 
Team Building Women, Silicon Valley
Catalyst. 
Harnessing the Power oF Collective Intelligence : Communities & Technologies
Nextstart. 
Comment libérer l’intelligence collective de l’entreprise grâce au digital ?
Nextstart. 
A map of open innovation practices

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