La nouvelle directive CSRD sur le reporting de durabilité des sociétés

Olivier ALBERT

Chargé de recherche

L’ancienne directive européenne NFRD (Non Financial Reporting Directive) qui encadrait jusque là les déclarations de performance extra-financière des sociétés européennes, sera remplacée par la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD).

Cela demandera aux grandes sociétés et certaines PME de publier régulièrement des rapports sur les risques sociaux et environnementaux qu’elles rencontrent, et en quoi leurs activités impactent les personnes et l’environnement.

Le 5 janvier 2023, la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est entrée en vigueur. Cette nouvelle directive modernise et renforce les règles à propos des informations sociales et environnementales que les sociétés doivent reporter. Environ 50 000 sociétés dans l’Union Européenne sont concernées, contre précédemment 11 700. Cette directive augmente ainsi le nombre de sociétés devant la respecter et le nombre d’indicateurs sur lesquels elles devront reporter. Avec cette nouvelle règlementation, l’Europe vise à devenir leader en termes de rapport de durabilité.


La directive CSRD a été publiée au journal officiel de l’Union Européenne le 16 décembre 2022. Elle entrera progressivement en application à compter du 1er janvier 2024. Les premières sociétés devront appliquer les nouvelles règles pour la première fois au cours de l’exercice 2024, pour un rapport publié en 2025. Le déploiement sera progressif entre 2024 et 2028, en commençant par les grandes sociétés d’intérêt public cotées sur un marché réglementé européen. Sont également concernées : les sociétés cotées sur les marchés règlementés européens, à l’exception des microentreprises ; les grandes entreprises européennes (selon certains seuils de salariés et revenus) ; certaines sociétés non-européennes (sous condition de filiale ou succursale et en fonction de leur chiffre d’affaires). Les sociétés devront identifier dans quelles mesures elles sont sujettes au reporting CSRD bien avant que la directive prenne effet. Dans ce cas, elles devront créer les processus et procédures, ajouter des contrôles internes, et développer les ressources pour gérer leurs obligations.


De nouvelles normes de reporting


Les sociétés sujettes à la CSRD devront reporter selon les European Sustainability Reporting Standards (ESRS), développés par l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG), le groupe consultatif Européen sur l’information financière. Plusieurs types de normes ESRS sont en cours de création (en révision jusqu’à juin 2023) : des normes universelles applicables à l’ensemble des sociétés quel que soit leur secteur d’activité, des normes sectorielles et des normes spécifiques pour les PME cotées sur les marchés réglementés. Ces normes seront progressivement adoptées par voie d’actes délégués d’ici 2024.


©Canva

Outre les normes universelles, les autres normes sont regroupées en trois catégories : Environnement, Social et Gouvernance. Les normes de l’environnement seront détaillées à travers plusieurs volets : changement climatique, pollution, eau et ressources marines, biodiversité et écosystème, utilisation des ressources et économie circulaire. Le volet social regroupe les effectifs propres, les travailleurs dans la chaîne de valeur, les communautés affectées et enfin les consommateurs et utilisateurs finaux. Le volet gouvernance concerne la conduite des affaires (par exemple la culture d’entreprise, la relation avec les fournisseurs, la corruption…).


Les différences avec les précédentes directives


La précédente législation Non-Financial Reporting Directive (NFRD) avait été perçue comme insuffisante et peu fiable pour les investisseurs, les citoyens, mais aussi les décideurs politiques ou actionnaires dû notamment au manque de standards. Cependant, les règles introduites par la NFRD restent en vigueur tant que la société n’a pas appliqué les nouvelles règles de la CSRD. Les standards de la CSRD seront en accord avec les objectifs environnementaux de l’Europe. Les principales différences sont :

  • Un champ d’application élargi : plus de sociétés sont concernées par les obligations de reporting, ainsi que toutes les sociétés (sauf micro-entreprises) cotées sur les marchés réglementés européens ;
  • Le renforcement et la standardisation des reportings en s’appuyant sur des normes européennes harmonisées. Les informations devront être détaillées, selon un principe de “double matérialité” (décrit plus bas) ;
  • Le reporting de durabilité sera publié dans une section dédiée du rapport de gestion ;
  • Un format digital sera imposé, dans un format électronique unique européen xHTML ;
  • Les informations seront vérifiées par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant (au choix des Etats).

Principe de « double-matérialité »


“La double-matérialité” est un des concepts phares de cette nouvelle directive. Il relève deux dimensions : la matérialité d’impact et la matérialité financière. Cela étend la matérialité au-delà du résultat financier net de l’entreprise (matérialité financière) pour inclure des dimensions à travers lesquelles l’entreprise a un impact significatif sur la société, d’une manière qui peut ne pas avoir d’impact direct sur les résultats de l’entreprise. Ces deux aspects sont souvent liés et dépendants.


Conclusion


Aujourd’hui, les informations communiquées par les entreprises semblent insuffisantes en termes d’évaluation d’impact. Les rapports extra-financiers précédents omettent souvent des éléments importants pour les investisseurs et les parties prenantes. D’autant plus que les informations collectées sont souvent difficiles à comparer d’une entreprise à une autre. En substance, cette nouvelle directive va aider les investisseurs, les sociétés civiles, les consommateurs et les parties prenantes à évaluer la capacité de durabilité des sociétés, à l’aune du Pacte Vert Européen. Elle vise plus de transparence, moins de greenwashing. Elle encadrera les rapports extra-financiers des entreprises en lien avec le développement durable. L’objectif est d’harmoniser le reporting de durabilité des sociétés et d’améliorer la disponibilité et la qualité des données Environnement, Social et Gouvernance (ESG) publiées. Assez contraignant en termes de procédure, les sociétés devront se préparer pour avoir le nombre de ressources suffisantes pour répondre lorsque ces normes s’appliqueront.



Références

Autorité des marchés financiers (AMF). (2023). La nouvelle directive CSRD sur le reporting de durabilité des sociétés.

European Comission. (2023). Corporate sustainability reporting.

European Parliament. (2022). Sustainable economy: Parliament adopts new reporting rules for multinationals.

European Parliament. (2022). Sustainable economy: Parliament adopts new reporting rules for multinationals.

Harvard Law School Forum on Corporate Governance. (2023). EU Finalizes ESG Reporting Rules with International Impacts.

Latham & Watkins. (2023). The EU Corporate Sustainability Reporting Directive — How Companies Need to Prepare.

Projets de normes de reporting de durabilité (ESRS) – avis technique de l’EFRAG, publié le 23 novembre 2022.

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