La technologie blockchain dans le service public, on en parle ?
En tant qu’infrastructure digitale décentralisée, la blockchain offre de nombreuses possibilités pour inventer de nouvelles pratiques du service public. Mais cela suppose de structurer en amont une stratégie d’information et de transformation holistique
La blockchain c’est quoi ?
La blockchain est une infrastructure digitale décentralisée permettant le stockage et la transmission d’informations dans des registres partagés. Cette technologie permet un haut niveau de sécurité car elle fonctionne sans organe de contrôle centralisé mais par validation collective.
Lors d’un échange d’information, à la place d’un acteur centralisé, chaque partie prenante est identifiée par un procédé cryptographique. Les informations de l’échange sont transmises à un ensemble d’appareils prenant part au réseau. Ces informations sont stockées dans un registre, et chaque « nœud » en conserve une copie. Un « nœud » peut être n’importe quel dispositif numérique connecté au réseau et conservant une copie du registre.
Lors de l’ajout de nouvelles informations, les données sont déchiffrées et authentifiées par un « consensus de nœuds ». On peut voir le consensus comme le procédé par lequel les parties prenantes du réseau se mettent d’accord sur la validité, l’historique, d’une information. C’est l’idée d’un vote de confiance où la majorité décide. Elles sont ensuite ajoutées à la chaine sous forme de bloc de données chiffrées composant ainsi la blockchain. En d’autres termes, le mécanisme de consensus d’une blockchain permet au réseau de se mettre d’accord sur une version unique de l’histoire.
A quoi la blockchain peut servir dans le service public ?
Comme la validation d’une information (d’un bloc) n’est plus centralisée (plus de nécessité d’un intermédiaire unique devant gérer tous les échanges) mais dépend d’un consensus, elle ne prend que quelques secondes à quelques minutes.
De plus, la validation s’établit sur le consensus de plusieurs nœuds qui ne sont pas en lien. Alors, la sécurité ne vient plus d’une vérification unique, mais de la comparaison de l’intégrité de l’information au travers de l’ensemble des nœuds.
Enfin, l’organisation des échanges étant confié au protocole de la blockchain décentralisée, les coûts associées à la centralisation ou aux transactions (services d’intermédiaires, frais financiers, etc.) sont réduits.
Des cas d’utilisation de la blockchain ? Oui nous avons cela.
En Estonie, le gouvernement utilise la technologie blockchain pour le registre des identités des citoyens permettant à chacun d’accéder facilement à ses données, mais aussi de les transmettre simplement. Les nœuds de validation assurent la fiabilité des informations.
Au Royaume-Uni, en Ukraine ou en Suisse, la gestion et le paiement des impôts utilisent la blockchain pour éviter le recours à un tiers parti afin d’accélérer, améliorer le processus de vérification et valider les opérations.
En Ukraine, en Estonie et en Australie, la blockchain est utilisée comme système de vote électronique avec des capacités de maintien de confidentialité, de transparence, de protection des utilisateurs.
Aux Etats-Unis et en Estonie, le système de santé utilise la blockchain pour conserver les informations des patients et leurs historiques de santé. Cela permet une transmission d’informations fiables très rapidement mais aussi l’accès à une base de données pour la recherche médicale.
Au Ghana, en Géorgie, en Suède et au Honduras, les actes notariaux sont délégués à la blockchain.
En France et dans l’UE ?
La France a ratifié en 2018 la déclaration de Partenariat Européen sur la Blockchain qui tend à promouvoir le développement de cadres standardisés et interopérables.
Dans le cadre du programme de recherche Horizon 2020, le financement de 43 projets blockchain à hauteur de 170 millions d’euros a concerné 11 secteurs principaux. La France a reçu 6,2 millions d’euros derrière l’Allemagne (19.9 millions), l’Espagne (19.8 millions), la Grèce (17.3 millions), le Royaume-Uni (17 millions), l’Italie (16.7 millions) et la Pologne (9.9 millions).
La stratégie de la France en matière de blockchain a été définie en avril 2019, à l’occasion de la Paris Blockchain Conference. Elle identifie 4 axes prioritaires, animés par une Task Force d’experts associée à la direction générale des entreprises :
- Renforcer l’excellence et la structuration des filières industrielles françaises pour déployer des projets basés sur les technologies de registres distribués
- Être à la pointe des enjeux technologiques
- Encourager les projets innovants s’appuyant sur les technologies de registres distribués
- Accompagner et sécuriser les porteurs de projets blockchain dans leurs questionnements, notamment juridiques et réglementaires
En février 2020, la Task Force a remis son premier rapport de mission interministérielle sur les verrous technologiques des blockchains. Le document identifie 18 verrous autour de sujets comme la sécurité, les modèles économiques et mécanismes, le passage à l’échelle, l’énergie, l’interopérabilité, etc. Par ailleurs, le rapport indique qu’en termes de recherche, la France est au même niveau que ses homologues internationaux. Cependant, il reste à identifier des stratégies d’application et à définir la planification de l’introduction des technologies blockchain dans les process des services publics.
Comment accélérer l’introduction de la blockchain dans les services publics ?
La planification de la transition des process vers la technologie blockchain dans le secteur public dépend d’une stratégie multifactorielle qui touche l’humain, la technologie et l’organisation.
De manière non-exhaustive, il semble que 4 piliers ressortent pour évaluer la capacité d’un service public à accueillir la blockchain. Ces éléments tiennent à la maturité technologique du service, ses compétences techniques ainsi que à l’accord entre le potentiel de la technologie et les besoins du service.
Il est aussi important de considérer que le service public représente un maillage serré d’organisations dont la permanence de communication et d’interopérabilité doit être maintenue.
Cela implique une planification fine des adaptations afin d’éviter une baisse de qualité des services, de la charge cognitive des agents devant gérer ancien et nouveau système, de l’acceptabilité de la technologie par les agents et les usagers.
Dès lors, on ne peut envisager une planification et une transformation des process que sous une perspective macro-organisationnelle (étatique). Tout en permettant une adaptation de la stratégie à un niveau micro-organisationnel (organismes), cette démarche favorise les ajustements sectoriels autour d’un tronc commun.
Références
Blockchain in the public sector, BDO Global Survey
Blockchain in Government and the Public Sector, Consensys
Using blockchain to improve data management in the public sector, McKinsey&Company