Comment l’IA peut-elle transformer la Gestion des Ressources Humaines dans la fonction publique d’État ?
La Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) a publié un rapport stratégique sur l’utilisation de l’Intelligence Artificielle dans la gestion des ressources humaines. Ce rapport, qui repose sur une enquête menée auprès des membres du réseau interministériel de prospective RH, présente une vision claire et structurée de cette transition technologique. Il définit des axes stratégiques pour un déploiement efficace et éthique de l’IA dans la fonction publique, tout en prenant en compte les défis associés à cette évolution.
En effet, nous parlons souvent de l’introduction de l’IA dans la gestion des ressources humaines (GRH), promue par son potentiel à optimiser les processus et améliorer l’efficacité des fonctions. Ce rapport met en exergue les spécificités de la GRH au sein du secteur public, ouvrant la voie non seulement à une transformation des pratiques mais aussi à une vision globale et à long terme de la fonction publique et l’évolution des talents.
Une stratégie pour l’intégration de l’IA dans la gestion des ressources humaines de la fonction publique
La fonction publique française intègre progressivement l’IA dans sa gestion des ressources humaines (GRH) à travers plusieurs initiatives, comme la plateforme « Services publics + » ou l’incubateur publique-privée « AllIAnce », visant à expérimenter l’IA générative sur des cas publics. En parallèle, la feuille de route SIRH de l’État pour 2023-2027 inclut désormais un objectif transversal sur l’utilisation de l’IA en GRH, couvrant des domaines comme les compétences, la dématérialisation et le pilotage, en cohérence avec les recommandations de la Commission supérieure du numérique et des postes.
Dans ce contexte, le rapport de la DGAFP donne des références pour ces initiatives diverses, et propose un cadre détaillé pour garantir une utilisation responsable et efficiente de l’IA dans la GRH. Ce cadre repose sur trois principes fondamentaux : la définition d’un cadre clair d’intégration de l’IA, les effets sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEEC), et la formation ainsi que l’accompagnement des agents.
Intégration et utilisation de l’IA
En accord avec les recommandations étatiques et des organismes internationaux comme l’OCDE, le rapport établit que l’implémentation de l’IA dans la fonction publique doit être encadrée par une gouvernance claire, définissant les acteurs responsables, les technologies employées et les usages adaptés aux différentes fonctions administratives (direction, finances, informatique, communication, logistique, etc.).
Le choix d’outils d’IA fiables vise à garantir la transparence, la maîtrise des résultats et la responsabilité des agents publics. Afin de prévenir les risques, le rapport recommande de formaliser une méthodologie d’exploitation des données et des algorithmes, d’exiger une déclaration systématique de leur utilisation par les agents, et d’établir une cartographie des risques liés à l’IA en GRH. Ce cadre de gouvernance permettrait également d’instaurer un dispositif de contrôle et d’audit internes, garantissant ainsi la conformité des pratiques avec les réglementations en vigueur, notamment l’AI Act.
Gestion Prévisionnelle des Emplois, des Effectifs et des Compétences (GPEEC) et IA
L’IA peut jouer un rôle dans l’optimisation des ressources humaines, mais son intégration doit s’appuyer sur une délimitation précise des tâches pouvant lui être confiées, tout en maintenant un contrôle humain sur les décisions sensibles. Il est nécessaire d’anticiper les évolutions des métiers RH face à l’IA en évaluant les compétences requises aujourd’hui et dans le futur.
Le rapport insiste sur la nécessité de renforcer l’attractivité des profils spécialisés en IA au sein de la fonction publique, afin de favoriser une implantation réussie de ces technologies. Toutefois, attirer ces talents représente un défi majeur, en raison de la concurrence du secteur privé et des attentes élevées des experts en IA en termes de rémunération, d’évolution de carrière et de culture d’innovation. De plus, la fonction publique doit adapter ses pratiques de gestion des compétences pour créer un environnement propice à l’innovation, tout en garantissant une utilisation éthique et responsable des technologies. Dans ce sens, la technologie peut être un levier efficace pour attirer ces talents. Cela repose sur le développement de stratégies de recrutement et de formation, visant à doter l’administration de professionnels capables d’accompagner et d’encadrer les transformations technologiques.
Formation et accompagnement des agents
L’acculturation et la montée en compétences des agents publics est centrale dans l’adoption des outils d’IA. Il est recommandé de déployer des programmes de formation adaptés aux managers, agents et élèves fonctionnaires, en s’appuyant notamment sur des initiatives comme le Campus numérique de la DINUM.
Ces formations permettent non seulement de développer des compétences techniques, mais aussi de renforcer la compréhension des enjeux éthiques et organisationnels liés à l’utilisation de l’IA. De plus, le rapport souligne l’importance de sensibiliser les responsables RH aux changements structurels que ces technologies impliquent, afin qu’ils puissent anticiper et accompagner les transformations des métiers et des modes de travail. Enfin, un accompagnement spécifique pour les managers est essentiel pour garantir une appropriation efficace des technologies et faciliter leur intégration dans les processus décisionnels.
Ainsi, la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) insiste sur une stratégie d’intégration de l’IA en gestion des ressources humaines qui repose sur une gouvernance claire, une gestion des compétences adaptée et des programmes de formation pour accompagner les agents dans cette transition.
Afin d’illustrer ces principes, le rapport de la DGAFP détaille des cas d’usages qui illustrent concrètement comment l’IA peut être déployée dans les fonctions RH des services publics.
Des cas d’usage de l’IA pour la gestion des RH dans les services publics
Après avoir défini les principes d’intégration, le rapport propose une classification des usages des systèmes d’IA en fonction de leur niveau de risque, en s’appuyant sur l’AI Act de l’Union européenne. Cette approche permet de structurer les applications en fonction de leur impact potentiel, en identifiant celles qui présentent des opportunités significatives et celles qui nécessitent un encadrement plus strict pour garantir le respect des normes éthiques et réglementaires.
- Usages « souhaitables » (faible risque) : Les applications considérées comme bénéfiques et alignées avec les bonnes pratiques en gestion des ressources humaines incluent l’analyse des résultats d’enquêtes internes, les recommandations de formation personnalisées, l’apprentissage sur mesure, la rédaction automatisée de fiches de poste et l’identification des compétences émergentes.
- Usages « à proscrire » (risque inacceptable) : Certaines applications doivent être évitées en raison de leurs risques éthiques, comme la détection précoce des troubles de santé mentale, l’analyse des relations interpersonnelles entre collègues, les entretiens vidéo automatisés pour évaluer les candidats, et les systèmes de reconnaissance et de récompense.
- Usages « envisageables sous conditions » (risque élevé nécessitant un encadrement strict) : Certaines applications ont un potentiel intéressant mais nécessitent un encadrement strict, telles que la personnalisation des parcours d’intégration et de carrière, l’évaluation des compétences des candidats, le feedback en temps réel sur les formations, l’analyse des données de bien-être des agents, la planification des successions sur les postes clés, la lutte contre les biais cognitifs dans le recrutement, et l’analyse des performances ainsi que des retours d’expérience des usagers.
En clarifiant ces distinctions, le rapport offre une base pour une utilisation responsable et sécurisée de l’IA dans la gestion des ressources humaines, tout en soulignant l’importance d’une vigilance continue sur les questions de conformité et d’éthique.
Les recommandations stratégiques pour l’usage de l’intelligence artificielle (IA) en gestion des ressources humaines (GRH) dans la fonction publique d’État de la DGAFP s’inscrivent dans une dynamique européenne et internationale visant à encadrer l’IA tout en renforçant les capacités humaines. Ce cadre propose une classification des usages de l’IA selon leur niveau de risque, en cohérence avec l’AI Act européen, afin de garantir une utilisation éthique et responsable des technologies.
Des expérimentations sont en cours dans certaines agences, portant une attention particulière à la réversibilité des dispositifs et à l’implication des agents. La stratégie souligne également l’importance de l’acculturation des agents publics et du développement des compétences en IA, notamment à travers des formations adaptées. Par ailleurs, elle met en évidence la nécessité d’attirer des talents spécialisés en IA pour accompagner ces transformations. En somme, la vision de la DGAFP vise à intégrer l’IA comme un levier de modernisation de la GRH, tout en préservant les valeurs du service public et en assurant une gouvernance éthique et transparente. Cette approche garantit une transition technologique qui respecte les valeurs du service public, tout en optimisant les processus RH et en préparant l’administration aux défis futurs.
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