Retour sur la Journée d’Etudes Artimon – IAE Paris : la transformation digitale des territoires

Artimon Perspectives


Quels enjeux, freins et leviers de la digitalisation des territoires ?


Le 6 juillet 2022, s’est tenue dans les locaux de l’IAE Paris Sorbonne Business School la « Journée d’études sur la transformation digitale des territoires. » Cet évènement, organisé conjointement par la Chaire Économie des Partenariats Public-Privé de l’IAE Paris et Artimon Perspectives, a vu les différents intervenants échanger sur les enjeux, les freins et les leviers qui caractérisent les processus de transformation digitale au niveau territorial en France.

La journée était articulée en quatre parties : deux sessions académiques dédiées aux présentations sur des sujets liés à la transformation digitale des territoires, une table ronde réunissant quatre experts des enjeux des territoires, et une keynote finale sur le passage à l’échelle.


Session 1. Digitalisation et territoires


La première session a porté sur la numérisation des services municipaux et l’avenir des « smart cities ». L’étude du projet de numérisation de la ville de Nancy, présentée par Romain Pierronnet et Olivier Simon, a ouvert la voie à une discussion sur l’évolution de la gouvernance locale pour maximiser la création de valeur, discutée par Pascal Frucquet de l’IAE de Pau Bayonne. L’idée principale qui a émergé est la centralité de la relation avec l’usager, qui sera de plus en plus impliqué dans les processus décisionnels de sa ville.

Les trois présentations suivantes ont porté sur l’évolution technologique du système national français de soins de santé. La numérisation progressive des soins sanitaires en France, notamment la dématérialisation des démarches administratives par l’utilisation de plateformes telles que ameli.fr, a fait l’objet d’une étude de Said Hayar. Dans ce contexte, la numérisation de l’Assurance Maladie apparaît comme centrale dans le processus de transformation numérique des soins de santé.

Ensuite, Isabel Pifarre Coutrot a porté ces considérations à un niveau plus pratique, en expliquant l’interconnexion entre la numérisation progressive des services de santé et la formation des professionnels de santé. Simon Porcher de l’IAE Paris a clos cette session en présentant l’étude réalisée par la Chaire EPPP et Artimon Perspectives autour des freins et leviers à la transformation digitale des territoires, portant en particulier sur la santé et la formation professionnelle. Ce travail met l’accent sur l’importance de l’impulsion politique et managériale pour accompagner le changement, ainsi que sur la part structurante du besoin usager dans la conception de ces projets.


Simon PORCHER, Chercheur – IAE Paris

En conclusion, la première session de la journée d’études a porté sur la digitalisation et ses effets sur les territoires. L’élément mis en évidence est la centralité croissante des besoins des usagers, comme moteurs des projets de digitalisation. Une telle intention est également perceptible dans l’optique des partenariats public-privé, qui ont fait l’objet de la deuxième session.


Session 2. Partenariats public-privé, digitalisation et territoires


Lors de la deuxième session, une pièce supplémentaire a été ajoutée au tableau de la digitalisation des territoires. La discussion a porté sur les conditions matérielles de ce processus, et le rôle des partenariats public-privé, lesquels ont fait l’objet de quatre présentations.

D’abord, un état des lieux sur la digitalisation en Afrique a illustré comment les partenariats public-privé ont donné un fort élan aux processus de numérisation africains. Samatar Omar Elmi, spécialiste en chef des TIC à la African Development Bank, a présenté les leviers d’action en Afrique, au niveau des collectivités locales, dans les stratégies nationales de numérisation.

L’accent a ensuite été mis sur un niveau plus institutionnel, analysant le rôle des gouvernements dans le développement de l’intelligence artificielle. À travers l’analyse d’une base de données de l’OCDE, l’étude menée par Phuong Tra Tran, Jean-Loup Richet, Vincent Dutot et Simon Porcher examine les facteurs liant les processus de décision au niveau gouvernemental et la tendance au développement de l’intelligence artificielle. De cette manière, l’étude a pour but de comprendre le niveau d’interdépendance entre les deux, en montrant comment les gouvernements jouent un rôle décisif, bien que discret, dans le développement des infrastructures technologiques privées.

Ce discours sur les partenariats public-privé a été approfondi par l’analyse d’une étude de cas de la Ville de Paris. Isac A. Olave Cruz, Nicolas Coulombel, Eric Brousseau et Etienne Côme ont étudié la corrélation entre la mise en œuvre de la réglementation sur le stationnement des trottinettes électriques, l’accessibilité et l’utilisation réelle. Ils ont constaté que la réglementation du stationnement à Paris contribue à harmoniser ce service avec le reste de la mobilité, au détriment de l’accessibilité aux véhicules.

Enfin, cette deuxième session a été clôturée par l’intervention de Carine Staropoli, Directrice de la chaire Urban New Deal à la Paris School of Economics, qui a traité du sujet des partenariats public-privé dans le contexte des smart cities. Selon la chercheuse, le recours aux partenariats public-privé dans les smart cities répond à la nature transversale de ces projets de développement. Ces partenariats doivent placer la collectivité, bénéficiaire ultime des processus de digitalisation de la ville, au centre.

L’élément principal partagé par ces interventions est le potentiel intérêt des acteurs publics à s’ouvrir aux possibilités offertes par l’interaction avec les acteurs privés. Toutefois, ces collaborations ne seront favorables que si elles visent à obtenir un bénéfice public répondant aux besoins des citoyens, qui restent au centre de tout processus public. Cet élément a été approfondie lors de la 3ème session et la table ronde sur les enjeux, freins et leviers caractérisant la transformation digitale des territoires.


Session 3. Table ronde – La transformation digitale des territoires : enjeux, freins et leviers


La troisième session a été consacrée à une table ronde, modérée par Josefina Gimenez, Directrice de la Recherche et de l’Innovation chez Artimon Perspectives. Elle a réuni Céline Faivre, Directrice Générale Adjointe au Numérique, Achat, Juridique de la Région Bretagne, David Monteau, Directeur de l’Attractivité, du Développement de l’Économie et du Numérique de la Métropole du Grand Paris, Carine Staropoli, Directrice de la Chaire Urban New Deal à Paris School of Economics, et Pierre Aubry, associé chez Artimon, en charge de la practice dédiée au secteur public.

La discussion a été lancée par l’intervention de Céline Faivre, qui a présenté la stratégie numérique de la région Bretagne. Une emphase particulière a été mise sur la relation entre les usagers et les services numériques offerts par la région, qui doivent répondre à des exigences techniques et politiques d’accessibilité et de transparence. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible de mettre en œuvre une stratégie numérique capable de créer une valeur ajoutée et d’apporter des avantages tant aux citoyens-usagers qu’aux agents publics.



Dans ce cadre, David Monteau a enrichi le débat en illustrant la stratégie de digitalisation et d’accompagnement mise en place par la métropole du Grand Paris. Il a présenté ses principaux enjeux, en insistant surtout sur la diversité de populations et territoires qui caractérise la métropole. C’est en raison de cette contrainte intrinsèque du périmètre d’action de la métropole du Grand Paris qu’il a mis l’accent sur les achats publics comme l’un des principaux leviers pour l’innovation. M. Monteau a expliqué comment les achats publics peuvent être utilisés pour promouvoir des solutions innovantes au sein des collectivités et, potentiellement, aider à égaliser le niveau de digitalisation entre les différentes zones de la métropole parisienne.

En continuité avec les problématiques liées au financement de l’innovation, Carine Staropoli a mis l’accent sur la relation entre la transformation digitale et l’environnement, en se concentrant sur les effets de cette synergie sur le développement d’infrastructures durables pour les territoires du futur. Elle a identifié les leviers et les obstacles, au niveau de la gouvernance ou de l’économie, qui pourraient entraver l’innovation numérique. La considération centrale est la nécessité de développer un nouveau modèle économique, à la foi financier et social, capable de répondre aux enjeux et aux défis posés par ces transformations tout en créant de la valeur publique.

Enfin, Pierre Aubry a clôturé cette table ronde en apportant son regard d’expert sur les services publics. Il a illustré les principales difficultés que les territoires peuvent rencontrer au niveau opérationnel lors de la mise en œuvre de solutions numériques innovantes, à travers deux projets : la création d’un portail de services digitaux dédié aux jeunes et la dématérialisation de l’inscription des stagiaires bénéficiant d’une aide régionale. Il a mis en évidence la nécessité de créer des parcours d’alignement numérique pour les acteurs publics impliqués dans les projets. C’est ainsi qu’il sera possible de réformer le système organisationnel de l’administration publique afin de tirer pleinement parti des possibilités offertes par le changement numérique.

En définitive, les thèmes de cette table ronde ont permis aux intervenants d’aborder les différentes dimensions qui constituent les enjeux, les obstacles et les leviers de la digitalisation des territoires. Les intervenants ont convenu de la centralité de la création de valeur publique pour encourager l’innovation digitale. Bien entendu, cet encouragement, pour être efficace, nécessite un changement concomitant au sein de l’administration publique, qui doit s’adapter aux nouveaux moyens offerts par la numérisation.

Ces considérations sur le changement ont ouvert la voie à une réflexion plus large sur le phénomène du passage à l’échelle, qui était le thème de la dernière intervention, tenue par Didier Chabaud.


Session 4. Territoire et numérique : les enjeux du passage à l’échelle


Didier Chabaud, directeur de la Chaire Entrepreneuriat, Territoire et Innovation à l’IAE de Paris, a conclu cette journée d’études avec une intervention autour des enjeux du passage à l’échelle dans les territoires.



Après avoir abordé le sujet des villes et territoires intelligents et l’intérêt académique croissant autour de ce thème, M. Chabaud s’est concentré sur les facteurs clés du passage à l’échelle : l’intensité de la collaboration entre les différents acteurs, les capacités financières, l’articulation des besoins publics, la légitimité sociale et le niveau de confiance de la population dans les outils technologiques. En tenant compte de ces éléments, il est donc possible d’émettre des hypothèses sur de nouveaux modèles économiques et managériales capables de catalyser le processus de passage à l’échelle et de créer de la valeur publique.


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Pendant cette journée d’études, différents intervenants ont débattu autour des caractéristiques de la transformation digitale des territoires.

Les deux premières sessions ont introduit les thèmes fondateurs de la journée, en se concentrant sur la digitalisation des territoires et le rôle des différents acteurs qui conduisent ce processus. Les dernières interventions sont allées plus en profondeur dans ces arguments, en discutant les enjeux, freins et leviers de ces processus de digitalisation.

Parmi les sujets évoqués, deux se sont révélés être les fils conducteurs de la conférence : les besoins des usagers et la création de la valeur publique comme but des processus de digitalisation. Ceci en dit long sur les ambitions et intérêts à la fois de la recherche, mais aussi et surtout des praticiens.

En conclusion, les contributions des chercheurs et des acteurs publics amènent vers une discussion plus large sur les différentes questions relatives à la transformation digitale, auxquelles les territoires sont confrontées. L’objectif est atteint : mettre autour de la table la recherche scientifique et les porteurs de projet afin de faire évoluer la recherche, et d’apporter des éléments de réponse aux territoires.

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