Télétravail : quelle gestion faut-il envisager ?
L'adoption en masse du télétravail a changé notre rapport au travail. Entre hyper-connectivité et déconnexion temporaire, quelle pratique faut-il privilégier pour s'assurer du bon déroulement de la vie professionnelle ?
Depuis le début de la crise du coronavirus et la mise en place du télétravail, l’utilisation des logiciels de productivité a fortement augmenté. Aux États-Unis, où les règles autour de ces logiciels sont plus souples, les ventes de certaines solutions ont été multipliées par dix. En France, leur utilisation est encadrée et limitée. Avec la potentielle pérennisation du télétravail, quelles sont les meilleures solutions de gestion des salariés ?
L’hyper-connectivité ou le présentiel au digital
Pour substituer le manque du travail en présentiel, beaucoup d’entreprises ont opté pour l’hyper-connectivité, ou le contact permanent entre employés, que ce soit par mail, visio, messagerie instantanée, etc. A travers de suites de logiciels professionnels, les salariés ont pu continuer le travail collaboratif et les échanges. Alors que ces solutions étaient déjà existantes dans un grand nombre d’entreprises, la mise en place massive du télétravail a vu un usage plus intensif des différentes solutions proposées, notamment les outils de visioconférence et de cloud computing comme Zoom, Google Drive ou Microsoft Office.
Dans certains cas, les employeurs ont décidé de mettre en place des logiciels pour surveiller le bon déroulement des activités durant les heures de travail. Ils justifient ces actions par le désir d’éviter toute interférence de la vie personnelle dans le travail, de sécuriser les données de l’entreprise et de garantir la productivité. Ces solutions, proposées par une multitude de compagnies, comme Hubstaff, ActivTrak ou Teramind, permettent de vérifier en temps réel l’activité des collaborateurs. Comme l’indique la CNIL, l’usage de ces logiciels n’est autorisé qu’en cas d’un « fort impératif de sécurité », ce qui permet d’assurer leur mise en place pendant le télétravail. En effet, la séparation entre la vie privée et la vie professionnelle est devenue de plus en plus floutée, rendant les risques de sécurité liés aux données de l’entreprise plus importants. Il faut également ajouter que ces logiciels ne peuvent être mis en place sans en informer les salariés.
Cependant, ces logiciels ne sont pas universellement acceptés. Pour beaucoup, l’utilisation de telles mesures illustre un manque de confiance de la part des employeurs envers leurs salariés. De l’autre côté, certains employeurs considèrent qu’il serait « imprudent » de ne pas en faire usage, car un salarié qui ne travaille pas coûte de l’argent à l’entreprise. Néanmoins, il existe des cas extrêmes, où ces logiciels sont utilisés pour espionner les salariés en prenant des captures d’écran durant la journée pour vérifier que les personnes travaillent. Bien que légaux, ces cas détériorent la relation employeur-employé et sont problématiques pour le management. Du côté employé, le fait de se sentir constamment « traqué » rend l’environnement professionnel peu agréable. Côté management, s’ils surveillent leurs salariés toute la journée, sont-ils productifs ?
La déconnexion, une autre approche
L’adoption du numérique a changé notre manière de travailler. Nous sommes constamment joignables, et avons accès à presque tout, instantanément. Avec l’intégration du télétravail, s’ajoute une augmentation considérable de différents modes de communication digitale qui remplacent les échanges en présentiel. Ainsi, les salariés reçoivent des notifications en continu. Mais ces notifications ne sont pas sans conséquence. Selon une étude de Gloria Mark, Professeure au sein du Département informatique de l’Université de Californie, répondre à un message en 20 secondes engendre une perte de concentration de presque 25 minutes. Dans ce contexte, il semblerait que l’hyper-connectivité soit également une cause de la baisse de la productivité.
Comment faire pour ne plus être distrait par les notifications ? Ne plus en recevoir ! En effet, une des solutions proposées pour lutter contre la perte de l’attention du travail est la déconnexion. Bien qu’elle n’incite pas les salariés à se déconnecter complètement, cette idée promeut la déconnexion durant des périodes d’une à deux heures pour laisser place à des séances de travail plus approfondies. L’importance de ces moments au cours de la journée est reconnue même par Microsoft, qui fournit beaucoup de services utilisés pour l’hyper-connectivité. Outre que la promotion des « heures creuses sans réunion ni courrier électronique » pour améliorer la performance des équipes, la page « Bien-être » suggère la condensation des e-mails pour éviter le bruit et la désactivation des notifications pour se concentrer.
La déconnexion permettrait donc de faciliter le travail approfondi, et donc de meilleure qualité.
Ainsi, il se différencie de l’hyper-connectivité. Prônant le contact continu à travers les mails et les réunions, l’hyper-connectivité incite les salariés à privilégier la quantité. Paradoxalement, cette approche qui est mise en place pour surveiller le déroulement du travail des salariés a pour conséquence une baisse dans la qualité au profit de la quantité.
A chaque cas sa solution
Il n’est pas possible de dire laquelle de ces solutions est meilleure. Dans chaque cas, la gestion des salariés doit s’adapter en fonction de leur domaine de travail et de leurs besoins. Certains départements, tels les RH, se doivent d’être plus connectés pour être facilement joignables. L’accompagnement des nouveaux arrivants est aussi un moment ou l’hyper-connectivité est utile. Ainsi, il est possible de forger un sentiment d’appartenance à l’entreprise et d’assister à la formation. Dans d’autres cas, le temps de déconnexion peut être utile dans le secteur du knowledge economy, où un travail plus approfondi apporte plus en valeur.
Les deux types de gestion peuvent aussi être utilisés en combinaison. La déconnexion ne signifie pas une déconnexion complète. Les périodes de travail approfondi peuvent être suivies de périodes d’hyper-connectivité, comme dans le cadre d’un projet collaboratif. La bonne gestion du télétravail dépendra non pas des outils choisis mais du bon équilibre entre hyper-connectivité et déconnexion afin de permettre la création de valeur au sein de l’entreprise.
Sources : Korii - Aux États-Unis, le boom des logiciels de surveillance du télétravail - 2020 CNIL - Les outils informatiques au travail - 2018 Bloomberg - Bosses panic buy spy software to keep tabs on remote workers - 2020 Libération - Télétravaillez, vous êtes fliqués - 2020 Forbes - Digital distractions are hurting your team. Three things you can do - 2020 Microsoft - Bien-être (MyAnalytics) - 2020