Mobilité urbaine : le MaaS au-delà du B2C
Malgré la multiplication de projets de Mobility as a Service, le modèle économique pour les offres B2C peine à devenir rentable. Et si le futur du #MaaS se trouvait dans d’autres types d’offre, comme le B2B ou le B2G ?
Les plateformes de Mobility as a Service sont souvent décrites comme le futur de la mobilité. Flexibles, elles intègrent la multimodalité pour mieux adapter les trajets en transport aux besoins des usagers. La promesse est donc d’améliorer la mobilité urbaine, à travers la réduction de la voiture individuelle, le recours aux mobilités douces ou partagées et le rôle central du transport en commun.
Les premiers déploiements de ce type de solution ont donné des résultats encourageants, avec notamment une augmentation de la marche à pied et l’utilisation de moyens de transports partagés (CEREMA, 2019). A grande échelle, ces changements dans le mode de se déplacer en ville pourraient aussi diminuer la pollution urbaine. Si plusieurs types de MaaS existent, des nouvelles tendances dans leurs modèles économiques commencent à voir le jour et elles pourraient se pérenniser.
Les limites du MaaS B2C
Dans sa forme originale, le MaaS de référence propose une offre B2C (business to consumer). Le MaaS Provider est ainsi au centre d’un écosystème d’acteurs très variés, aux intérêts et modes de gestion financière diverses. A l’interface entre le fournisseur de transport et l’usager, l’adoption de ces plateformes dans plusieurs villes ne donne pas encore des résultats convaincants durables. Les résultats positifs affichés restent hélas faibles en raison d’une diffusion limitée du service. A Helsinki par exemple, seulement 70 000 personnes utilisent Whim, alors que la ville compte plus d’un million d’habitants.
Le MaaS Provider est aussi l’entité qui centralise le paiement, la billettique, les données voyageur, etc. Il devient alors le seul contact avec les usagers tout en restant l’intermédiaire à la fois avec les autorités organisatrices de transport et les acteurs historiques du secteur. Une triangulation compliquée pour ces entreprises, d’autant plus que les cadres réglementaires se précisent.
Dans une majorité de cas, les revenus se font grâce à des commissions sur la vente de tickets et abonnements de transport, mais ils ne suffisent pas à rendre l’entreprise rentable (Zipper, 2020), en partie à cause de cette compétition entre MaaS Provider et les opérateurs de transports. De plus, les lois sur les transports diffèrent d’un pays et d’une ville à l’autre, rendant la création d’un modèle économique standard du MaaS compliqué.
L’aspect économique n’est pas le seul facteur pour sa faible diffusion. Une étude en Finlande a montré que les usagers étaient disposés à changer pour un abonnement MaaS si celui-ci proposait une réduction d’au moins 30% de leurs frais de mobilité. Le MaaS ne doit donc pas seulement changer les habitudes des usagers, mais le faire à moindre coût pour s’imposer de manière durable.
De nouveaux modèles économiques
Si les solutions B2C sont actuellement en difficulté, d’autres modèles semblent proposer des alternatives économiquement plus intéressantes. Parmi elles, le B2B (business to business) et le B2G (business to government) semblent plus prometteurs pour les développeurs de solutions MaaS, que l’offre directe aux particuliers. Selon Martynas Gudonavicius, PDG de Trafi, le développeur de plateformes MaaS basé à Vilnius, le modèle initial du MaaS en B2C a été bien aimé du public, mais l’entreprise a passé des années à trouver un business model rentable. Pour résoudre ce problème Trafi a opté pour des offres B2G et B2B, travaillant actuellement avec plusieurs villes comme Berlin et Zurich, pour leur fournir un logiciel pour la mise en place des MaaS locaux. Si Trafi propose encore des MaaS B2C dans de nombreuses villes, c’est la vente de son logiciel qui lui a permis de se développer.
L’évolution de certaines politiques de mobilité a aussi favorisé ces nouvelles tendances MaaS. Dans plusieurs pays, l’idée de mettre en place des budgets de mobilité pour les salariés a été suggérée, et pourrait voir le jour cette rentrée en France grâce au ‘titre mobilité’ instauré par la LOM. Présent déjà en Belgique depuis 2019, le budget mobilité a pour but de réduire l’utilisation de la voiture de fonction, qui constituait en 2016 plus de 10% du parc automobile du pays. En renonçant à cet avantage, les employés reçoivent une carte qui leur permet d’utiliser ce budget sur tous types de transport. La carte est proposée par plusieurs acteurs dont Skipr, une entreprise MaaS. L’avantage de Skipr sur ses concurrents : au-delà de la facturation unique, son application permet l’organisation des trajets via son logiciel de recherche (Evraert, 2019). Caractéristique typique du MaaS, ce service permet à Skipr de proposer le meilleur trajet selon les besoins des usagers, et donc la meilleure manière de dépenser son budget mobilité. Ce pari gagnant de la part de Skipr a vu son adoption par de nombreuses grandes entreprises dont Carrefour et Accenture.
Quel futur pour le MaaS ?
La tendance vers le B2B et B2G illustre une évolution du MaaS. Initialement conçu en tant que B2C, le MaaS Provider devait se trouver au centre de la mobilité. Mais la diversité et la taille des acteurs du secteur du transport rendent difficile l’insertion de nouveaux acteurs qui agiraient en tant que seule interface. Cependant, une offre B2G, en partenariat avec les villes et les acteurs déjà présents pourrait voir l’aboutissement du projet MaaS. Différent de l’idée originale, le MaaS B2G peut travailler avec les autorités organisatrices de transports pour la mise en place d’une mobilité durable et mieux adaptée aux besoins des usagers et de la ville.
De la même manière, un MaaS B2B comme Skipr présente de nombreux avantages. Du point de vue des entreprises MaaS, le PDG de Skipr rappelle que leur offre B2B a été rentable dès le premier jour. Ceci rassure les clients sur la stabilité et la pérennité du service, aidant à la pénétration et la diffusion de la solution. Pour les usagers, les cartes mobilité donnent accès à une multitude de moyens de transport et permettent de mieux gérer le budget. De plus, il peut s’ajouter à des abonnements et solutions de mobilités déjà utilisées par ces personnes, leur permettant ainsi de découvrir différents types de transports sans s’engager. Cet avantage est important car il ne force pas les usagers à choisir entre un MaaS et une autre solution de mobilité. Si les études montrent que les usagers sont encore réticents à adopter le MaaS, sauf en cas de grands avantages économiques, la carte mobilité pourrait petit à petit changer nos habitudes.
La tendance du B2B et B2G voit un début de succès aujourd’hui aussi en raison des politiques publiques qui donnent un cadre encourageant au recours aux MaaS. Les solutions B2G sont en forte demande, et Trafi sera bientôt présent dans une « ville énorme d’Amérique du Sud ». De la même manière, il est attendu que les cartes de mobilité soient disponibles en France dès l’automne 2020. Le MaaS reste donc dans les stratégies de mobilité des villes, mais son modèle économique pourrait s’éloigner du B2C original. Reste à savoir quelle interaction auraient ces plateformes avec celles portées, en France, par les acteurs historiques du secteur du transport.
CEREMA, Le MaaS en Europe : enseignements des expériences d’Helsinki, Vienne et Hanovre, Fiche de synthèse de l’étude, décembre 2019
Evraert, B., Skipr, fer de lance de D’Ieteren pour le budget mobilité, L’Echo, 12 septembre 2019
Zipper, D., The Problem with “Mobility as a Service”, Bloomberg CityLab, 5 août 2020.