Quel MaaS (Mobility as a Service) public en France ?

Josefina GIMENEZ - Artimon

Josefina GIMENEZ

Directeur Recherche et Innovation

Depuis quelques années, la notion de Mobility as a Service et les plateformes associées sont présentées comme des solutions innovantes pour améliorer la mobilité des personnes et favoriser le recours aux transports en commun ou aux modes actifs. Cela pourrait réduire l’impact environnemental du transport à travers la diminution d’utilisation de la voiture individuelle, tout en accordant une part de liberté aux usagers grâce à l’accès à une offre de services de mobilité plus large.

Cette capacité du MaaS à transformer les habitudes et comportements de mobilité des usagers, en particulier les utilisateurs de la voiture personnelle, est souvent considérée comme acquise. Comme si développer une plateforme digitale user-friendly proposant un mix d’offres de transport suffisait à faire évoluer les usages. Or, rien n’est moins sûr.

Dans ce rapport nous interrogeons la capacité du MaaS à délivrer ses promesses. Pour cela nous posons deux questions. D’une part, si une plateforme MaaS est développée, quels sont les éléments (techniques, économiques, stratégiques…) à prendre en considération ? D’autre part, à quelles conditions les autorités publiques du transport peuvent développer ces services de sorte à créer effectivement de la valeur publique pour les usagers ?

Pour répondre à ces questions nous considérons le Mobility as a Service comme l’expression manifeste dans le secteur du transport de tendances plus générales : l’économie de partage et de service, la personnalisation, l’accès à l’information… Pourtant, le MaaS comme plateforme de services ne peut pas être décorrélé de la réalité du terrain : les infrastructures, les services de transport existants, les évolutions dans la réglementation, dans la billettique, les usages ou encore l’apparition récente de nouvelles offres et produits de transport.

Ce rapport dresse un état de l’art du MaaS, et interroge son potentiel non pas comme fin, mais comme outil au service des politiques publiques de transport. Il pose également des questions concernant sa capacité à proposer un service accessible à tous, et permettant une évolution réelle dans nos modes de déplacement.

Résultats

D’un point de vue empirique, le développement des plateformes MaaS varie en fonction des territoires. Il est influencé par des facteurs socio-économiques, sociodémographiques, géographiques, ainsi que (et surtout) l’offre de transport existante. La mise en place d’une plateforme dépendra de l’offre de services disponible (et viable) sur le territoire. Ce qui est démontré par notre benchmark de plateformes MaaS en France.

Ce benchmark montre également que le MaaS est dépendant des infrastructures interrégionales, de la planification de services et de la relation avec des acteurs tiers (économiques ou culturels).

Du point de vue de l’usager, l’intention d’utiliser les plateformes MaaS est déterminée par plusieurs éléments : les habitudes de transport précédentes, les modes disponibles, les types d’abonnement et de réduction proposés. Au-delà des incentives financières (réductions, bouquets, abonnements), la valeur du MaaS aux yeux des usagers est encore incertaine.

Enfin, l’apport du MaaS pour les autorités du transport réside dans sa capacité centralisatrice de la donnée. Or, cette valeur est à mettre en perspective vis-à-vis des compétences des acteurs publics en matière d’analyse et de traitement des données.

Ces travaux permettent d’identifier 3 niveaux de choix qui affectent la création de valeur d’un MaaS public :

  • Le positionnement stratégique, qui détermine le modèle aspirationnel de la plateforme et sa valeur sociale
  • L’offre de services, déterminée par des facteurs internes (la rentabilité et le bouquet des prix) et externes (l’offre existante, les usages, la typologie des trajets)
  • Les modes de collaboration entre les acteurs de l’écosystème

La mise en place d’une plateforme MaaS aura des impacts sur la planification et la gouvernance des transports. Notre approche holistique permet d’intégrer les intentions des usagers, les implications sur les transports et les effets des conséquences inattendues de l’adoption des plateformes MaaS, sur l’égalité d’accès, ou l’efficacité des services.

Ces recherches décrivent les conditions pour le développement d’une plateforme MaaS, interrogent sa capacité à atteindre ses promesses, et évoquent les possibles conséquences pour les autorités organisatrices du transport. Enfin, elles étudient les limites de l’efficacité des plateformes à apporter une réelle valeur pour l’amélioration des services publics de transport.

Le comportement des usagers (décisions relatives aux choix et déplacements) est un sujet complexe. La place croissante de l’outil digital comme moyen d’accès aux services de mobilité ouvre un nouveau champ d’étude autour du comportement des usagers. Identifier les facteurs qui influencent les comportements de mobilité et la capacité de ces outils à contribuer au changement des pratiques s’inscrit dans le prolongement des travaux d’Artimon Perspectives, visant à soutenir les actions et les décisions des parties prenantes du transport.

Pour plus d’informations, contactez Josefina GIMENEZ, Directrice Recherche et Innovation d’Artimon Perspectives.

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