Décryptage d’une société en mutation : comment s’adaptent les entreprises ?

Artimon Perspectives

Sociétés en mutation : le consommateur est devenu acteur du changement, avec un impact potentiellement irréversible dans la manière de concevoir services et produits. Comment les secteurs traditionnels tels que la #mobilité, l’#énergie et l’#immobilier s’adaptent-ils à ces nouvelles attentes ?

Le secteur de l’#énergie se transforme, évoluant de la vente d’énergie vers la proposition de valeur à travers des solutions pour diminuer la consommation énergétique. Tendons-nous vers un modèle de déconsommation de l’énergie ?

La #mobilité se réinvente, menant vers l’émergence d’un système pluriel dans lequel cohabiteront des solutions de mobilité douce, la marche à pieds, l’autopartage… et dont l’interconnectivité sera facilitée par le #MaaS.

La chaîne de valeur du secteur de l’#immobilier se déplace du bâti au design et à son utilisation. Multiplicité d’acteurs et faible centralisation de l’information : de nouveaux outils fluidifient et rendent plus transparent le secteur de la construction.

En janvier dernier a eu lieu la Maddy Keynote, un rendez-vous d’inspiration autour de « La Mutation du Vivant et des Territoires ».

A travers nos échanges avec des nombreux acteurs, startups et groupes internationaux, un constat s’impose.

Quel que soit le domaine, nous faisons face à une mutation majeure : le consommateur est devenu acteur du changement, et cela a un impact potentiellement irréversible dans la manière de concevoir services et produits.

Ainsi, cette série de conférences et rencontres est pour nous l’occasion de questionner et d’analyser l’impact transformateur que ces mutations sociétales ont sur les différents secteurs d’activité. Comment s’adapter pour répondre aux nouvelles attentes ?  

©Unsplash

Il y a quelques années encore, la rentabilité était le critère principal pour le développement de nouveaux produits, au détriment de la responsabilité sur la qualité, la protection de la planète ou des personnes. Le marché s’imposait, demandant aux consommateurs de s’adapter.

Aujourd’hui, la coexistence de divers facteurs comme les évolutions technologiques, l’offre grandissante de services et produits, l’économie du savoir, la prise de conscience sur les enjeux environnementaux liés à la consommation… est à l’origine des mutations.

Les consommateurs et usagers s’inscrivent dans des nouvelles tendances sociétales, où l’attente de personnalisation, l’économie servicielle et la notion de responsabilité sont omniprésentes.

Ainsi, il est désormais possible de s’informer et de faire part des exigences, et ce, quel que soit le domaine : transports, énergie, alimentation, retail, immobilier, santé… Les applications aident d’autant plus les consommateurs à prendre une parole décomplexée autour des pratiques, bonnes ou mauvaises, des organisations.     

Les entreprises, grandes ou petites, s’accordent sur le fait que ce mouvement ne fait que commencer, et qu’il y a fort à parier que la manière de consommer continuera à se transformer en profondeur dans les prochaines années : plus écologique, plus sobre, plus locale, plus qualitative, plus directe, plus humaine, tout cela en respectant l’individu et ses données. Vaste programme…

Or, cette transformation de l’acte consommateur n’ira pas sans une adaptation des pratiques des entreprises ; celles-ci ont donc déjà commencé à revoir leurs modèles historiques pour suivre le mouvement, en faisant largement évoluer, par exemple, leurs politiques RSE et leurs pratiques de vente. Et il est plus que probable que la gestion des données, la sélection des fournisseurs, les processus de transports, de production, de ressources humaines… devront évoluer dans la même direction.

L’énergie : l’évolution de modèles traditionnels  

Commençons par le secteur de l’énergie : comme l’a rappelé Hervé-Matthieu RICOUR, Directeur Général de la business unit France BtoC chez Engie, l’urgence écologique et climatique est devenue l’un des sujets prioritaires dans les préoccupations des Français, qui souhaitent consommer moins d’énergie pour réduire leur niveau de pollution.

Ainsi, les entreprises adaptent leur modèle économique.

La prise de conscience de l’urgence climatique et les avancées technologiques permettent une transformation progressive du marché de l’énergie, qui évolue de la vente d’énergie vers la vente de solutions pour diminuer la consommation énergétique. Pour ainsi construire un modèle de déconsommation prenant soin de l’environnement, mais aussi du confort des gens.

Le marché tend donc vers de nouveaux services proposés aux Français pour les aider dans leurs démarches :

  • Faciliter l’approvisionnement en énergie dite « verte ». En moins de cinq ans, l’explosion de la demande a bouleversé le marché, et le recours à l’énergie solaire ou éolienne a doublé en France. Les prix ont chuté et l’énergie renouvelable est devenue compétitive ;
  • Être accompagné par des mesures publiques, mais aussi privées, pour changer les équipements énergivores ;
  • Produire de l’électricité localement (en posant des panneaux solaires sur le toit de leur maison) ;
  • Participer à la lutte contre la consommation polluante d’énergie en utilisant la solution « d’effacement ». Celle-ci consiste à accepter de couper le chauffage ou tout autre appareil énergivore, chez soi, en cas de pic de consommation.
Fig 1 – Transition vers un monde « environmentally friendly » ©Freepik

Les industriels de l’énergie mettent donc en place des solutions, et font évoluer leur proposition de service pour accompagner les mutations des pratiques et des modes de consommation. Ainsi, en s’adaptant aux attentes sociétales, ils facilitent le passage vers un modèle basé sur la sobriété et sur la production locale qui peut transformer le secteur de l’énergie en profondeur.

La mobilité : l’explosion de nouveaux modèles

Le domaine des transports et de la mobilité en général, est lui aussi fortement concerné par ce changement de paradigme. L’usager consommateur marque le rythme des changements et des évolutions technologiques dans le secteur du transport, et ce, à la fois, en devenant plus exigent en termes de responsabilité environnementale et de qualité de service.

La responsabilité environnementale dans le secteur du transport se traduit par un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’objectif étant de limiter le recours aux transports polluants tels l’avion, ou la voiture individuelle. Afin de limiter les impacts environnementaux dans le secteur aérien, les compagnies proposent des « actions de compensation carbone » permettant de répondre aux exigences environnementales

Fig 2 – La mobilité partagée au coeur des nouvelles mobilités ©Freepik

Les initiatives de déplacements partagés en voiture se développent proposant de nouvelles alternatives durables. La start-up Klaxit, spécialisée dans le covoiturage domicile-travail comptabilise aujourd’hui plus de 340 000 trajets quotidiens (un chiffre multiplié par cinq entre 2018 et 2019). Cette solution vise à augmenter le taux d’occupation des voitures, qui est de 1,1 sur le périphérique parisien.

Face aux contraintes des villes saturées et du manque de place de parkings, des nouvelles applications permettent d’adapter le flux du trafic de covoiturage et la disponibilité de places de parking. C’est le cas de l’application Space développé par Vedecom et par Atos, laquelle propose une adéquation des covoiturages professionnels avec les disponibilités de stationnement.

L’enjeu est à l’optimisation des espaces et des flux afin de fluidifier les déplacements dans les grandes villes et créer ainsi des territoires intelligents.

Le marché ferroviaire, qui propose le meilleur rapport « émission de GES / vitesse du trajet », augmente de 3% chaque année, et les prévisions sont à la hausse pour le futur.

Le secteur se réinvente afin de répondre à ces changements d’habitudes, menant vers l’émergence d’un système pluriel dans lequel cohabiteront des solutions de mobilité douce, la marche à pieds, l’autopartage… et dont l’interconnectivité sera facilitée par des solutions de MaaS.

L’immobilier à la recherche d’une nouvelle valeur ajoutée

Le marché de l’immobilier lui aussi, est bouleversé par la prise de conscience du citoyen. Les Français veulent réduire leur impact environnemental dans la conception des bâtiments et y inclure une dimension sociale. Pour cela le secteur s’adapte et innove.

La conception des bâtiments par biomimétisme s’intéresse à l‘amélioration des performances énergétiques, et ceci afin de limiter la pollution générée par notre habitat au cours de son cycle de vie. Comme l’explique Kalina RASKIN, directrice générale de l’association CEEBIOS, l’ambition est de positionner la France en cheffe de fil du développement de ce processus d’innovation pour la transition sociétale.

Le réemploi de matériaux dans la construction de nouveaux bâtiments se démocratise, permettant également de limiter les pollutions.

A ne pas confondre avec le recyclage : le réemploi consiste en la réutilisation d’un matériau non transformé (un déchet issu d’un chantier de démolition), alors que le recyclage permet de revenir à la matière première et consomme ainsi une forte quantité d’énergie. Le réemploi est basé sur une économie circulaire locale, crée de l’emploi en France, et n’est à l’origine d’aucune nouvelle émission de CO2…

La conception verticale plutôt qu’horizontale permet de lutter contre l’étalement urbain. Elle est promue par des acteurs comme La Française Real Estate pour prévenir empiétement sur des zones naturelles ou créer plus de proximité évitant l’allongement des trajets quotidiens.

Fig 3 – Biometisme, s’inspirer du vivant pour les innovations responsables
© CEEBIOS – Lauréat Paris Grand Metropole – ECOTONE

La chaine de valeur du secteur de la construction se déplace du bâti au design et à son utilisation. Traditionnellement le monde du bâtiment est marqué par la multiplicité d’acteurs externes, d’intermédiaires et par une faible centralisation de l’information.

Aujourd’hui, des nouveaux outils permettent de partager l’information rapidement, sans multiplier les acteurs : softwares, plateformes et supports technologiques. Ce qui répond au citoyen qui réclame plus de transparence dans la construction, et une rapidité de réponse à ses questions.

Les mutations en réponse aux consommateurs : alimentaire, vestimentaire, finances…

Le changement de paradigme est encore plus flagrant pour les secteurs de l’alimentation et de l’habillement, ainsi que dans la gestion de l’argent, même si c’est encore balbutiant dans ce domaine. Les industriels ont à réinventer leur modèle pour répondre aux consommateurs. Les attentes portent sur des produits personnalisés mais à des prix accessibles (à l’inverse du fordisme), la maîtrise et réduction des impacts environnementaux et sociaux, et une sécurité accrue (en termes d’hygiène, d’infrastructure, des conditions de travail).

Ces nouvelles exigences induisent une réflexion autour des modes de production (appuyés sur les nouvelles technologies) et l’intégration des nouveaux acteurs, voir des nouvelles parties prenantes, tels que les citoyens, la société civile, les associations, les producteurs locaux…

Au-delà de la consommation, l’attractivité de ces structures est mise à rude épreuve avec un secteur perçu comme sclérosé et polluant. A titre d’exemple, dans les processus de recrutement, la notion de RSE est de plus en plus prise en compte par des candidats sensibles à cet enjeu. Les entreprises et les industries qui n’investissent pas ce terrain risquent de décevoir les attentes des candidats et consommateurs. A contrario, les marques promouvant les démarches RSE innovantes et inspirantes gagnent en attractivité, font un buzz positif et voient souvent l’impact sur leur chiffre d’affaires.

Les Français plébiscitent la qualité, la production locale, des produits sains et bons pour la santé, une juste rémunération des producteurs, des achats et des investissements qui ont du sens… Des nouveaux outils les aident dans leur démarche et accélèrent le changement de pratiques. Ainsi, des applications de notation, d’éclairage sur la composition des aliments ou des cosmétiques, ne modifient pas seulement les habitudes de consommation, elles impactent également le modèle économique des entreprises.

A titre d’exemple, la relocalisation des ateliers de production, ou de la récolte des matières premières. A l’image de la marque française de vêtements écologiques 1083 (nombre de kilomètres entre les deux points de production les plus éloignés l’un de l’autre), qui réduit le nombre d’intermédiaires pour rester compétitive, malgré des prix de production plus élevés. Ou l’application de scanning d’aliments Yuka, qui a notamment poussé le groupe Intermarché à modifier la recette de 900 produits mal notés par l’application.

Finalement, la gestion des finances des citoyens est également impactée par ces changements de paradigme. Face à l’opacité du secteur bancaire quant à la destination des placements, la startup LITA.CO propose des placements en toute transparence qui, à la manière de Yuka, pourront être notés en fonction de critères de justice sociale et environnementale.

Enfin, la société a initié une mutation profonde, en choisissant de consommer différemment. Cette modification de paradigme, en partie inspirée par une prise de conscience écoresponsable généralisée, a permis d’enclencher un mouvement vertueux au sein des entreprises. Ce mouvement s’amplifie par la mise en place et valorisation de politiques de responsabilité sociale et environnementale, la vigilance accrue quant à la protection de données, à la réflexion et prise de mesure des impacts sociaux et environnementaux des modes de production des entreprises.

Les trois premières révolutions industrielles furent enclenchées par de grandes innovations technologiques. Et si la quatrième révolution industrielle était, elle, provoquée par la volonté citoyenne de changer le monde ?

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