La France et le développement de l’e-gouvernement

Artimon Perspectives

La France arrive 19ème au classement #EGDI de l’ONU sur l’e-gouvernance. Malgré un certain retard sur d’autres pays, découvrez pourquoi la France dispose des moyens nécessaires pour devenir un pionnier de l’e-gouvernance.

L’ONU vient de publier son dernier rapport sur le développement des e-gouvernements dans le monde. Les pays sont classifiés selon 3 critères : l’utilisation des NTIC, le capital humain et l’infrastructure digitale. Dans ce classement, la France arrive au 19ème rang mondial, perdant 10 places par rapport à l’index 2018. Cette baisse surprenante n’est pas inexplicable. Parmi les raisons, le rapide développement d’autres pays, notamment de l’Union Européenne, avec un haut niveau de développement des e-gouvernements.

Un index de comparaison

Basé sur des analyses et interviews, le rapport E-Government 2020 publié par l’ONU étudie les stratégies de développement de l’e-gouvernement dans les 193 pays qui intègrent l’organisation. Son objectif est d’identifier les opportunités, forces et défis de chaque pays, ainsi que d’apporter des outils d’évaluation et de développement inclusifs et efficaces.

L’index est basé sur trois critères différents, pondérés de la même manière : l’utilisation des NTIC pour les services publics à échelle nationale (OSI); le capital humain (HCI); et le niveau d’infrastructure des moyens de télécommunication (TII). L’index de développement des e-gouvernements (EGDI) n’applique pas des valeurs absolues. Au contraire, la valeur 1 est assignée au pays le plus performant dans chaque catégorie, et les autres pays reçoivent une note de performance par rapport à ce pays. Ainsi, les repères de 2018 ne sont pas les mêmes que ceux de 2020.

Cette méthodologie explique en partie pourquoi la France perd dix places par rapport à l’édition 2018 de l’index. Au 19ème rang, ceci n’indique pas un ralentissement de la transition vers un gouvernement digital ou une perte de la performance des politiques françaises, mais une évolution comparativement inégale. 

Si cet index ne permet pas de suivre l’évolution propre à une administration donnée, il permet de faire une comparaison entre les pays à l’heure actuelle. Ces deux dernières années, de nombreux gouvernements ont adapté de manière rapide et à grande échelle les NTIC.  

Cependant, l’avancée de nombreux pays n’est pas uniquement le résultat d’une adoption rapide et massive des NTIC. Elle correspond à des années de politiques publiques visant à intégrer ces outils au niveau administratif. Un des exemples européens de cette transformation est l’Estonie, qui est passée de 16ème en 2018 à 3ème en 2020. A titre illustratif, son système d’échange de données X-Road, qui garantit également la sécurité des informations citoyennes, a été adopté et imité par plusieurs administrations. Mais son succès n’est pas seulement fondé sur des mesures récentes. Depuis les années 1990, l’Estonie a fait du digital une priorité, et privilégie l’utilisation de ces technologies dans leur stratégie nationale. Cette stratégie a permis le développement de services publics numériques, et non une simple dématérialisation des procédures physiques.

Le succès de la France dans le classement de 2018 se doit aussi à son appartenance à l’Union Européenne. Les objectifs mis en place par l’UE pour la création d’un marché numérique unique, en tandem avec le Plan d’action européen 2016-2020 pour l’administration en ligne (eGovernment Action Plan) ont favorisé la position de la France comme un des leaders de l’e-gouvernance au plan mondial et régional. Ce plan a porté ses fruits dans les Etats-membres, d’où la montée de beaucoup d’entre eux dans le classement de 2020. En effet, parmi le top 5, on retrouve 3 pays de l’UE : le Danemark, l’Estonie et la Finlande. Le recul de la France n’implique pas un échec de ses politiques, mais plutôt un développement plus lent comparé à d’autres pays. Pour autant, parmi les pays européens du classement, la France reste en 9ème position et fait partie des leaders dans le contexte régional, devancée seulement par l’Espagne parmi ses voisins de l’UE.

L’échelle locale

Si à échelle nationale la France n’est plus dans le top 10, la ville de Paris arrive en 4ème position dans le classement des services locaux en ligne. La capitale est même en première position dans les catégories de « Contenu proposé » et « Participation et engagement ».

Comme l’affirme le rapport, les différences entre le local et le national mettent en avant le besoin de créer deux classements distincts. Plus petites que l’Etat, et avec des infrastructures plus adéquates et homogènes, il est certain que les administrations locales ont le pouvoir d’implémenter plus facilement des solutions et services. Par ailleurs, l’interaction plus fréquente et la proximité avec les autorités locales les rend plus agiles pour s’adapter aux demandes et besoins des citoyens. Pour cette raison, il est intéressant de voir la différence entre certains pays et leur capitale, comme Madrid et l’Espagne (1ère et 17ème respectivement), ou Buenos Aires et l’Argentine (7ème et 43ème respectivement).

Ce classement, composé de 100 villes du monde, inclut uniquement Paris comme représentante de la France. Il n’est donc pas possible de comparer les autres villes françaises à échelle mondiale, mais le succès de la capitale peut servir comme exemple pour les autres municipalités qui mettent en place des services en ligne.

COVID-19 et e-gouvernements

Le rapport de cette année a bien pris en compte le contexte actuel et reconnaît la nouvelle impulsion qu’ont gagné les e-gouvernements. Pour beaucoup de pays, il y a eu une transition rapide vers une offre dématérialisée, afin de garantir le service rendu aux usagers tout en respectant les mesures de sécurité sanitaires. L’adoption rapide d’outils numériques a permis de rendre plus efficaces certaines démarches ou de maintenir des services, notamment à travers le partage des données. L’ONU appelle donc aux administrations à implémenter des solutions numériques à bras ouverts, car l’e-gouvernement peut représenter une mesure de résilience, surtout dans les contextes difficiles.

Potentiel futur

Comme le rappelle ce rapport, l’e-gouvernement n’est pas une fin en soi, mais plutôt un outil pour permettre une meilleure gouvernance et une amélioration des services proposés, dans le but de créer des politiques publiques plus favorables et adaptées aux besoins des citoyens. Pour cette raison, l’échelle nationale ne suffit pas pour montrer la qualité et la quantité des services numériques, car une grande partie des interactions et besoins sont adressés au niveau local.

Dans son désir de devenir un acteur principal et leader du marché numérique, l’UE a créé un environnement compétitif et propice à l’adoption d’outils digitaux. Les pays européens se retrouvent au top de ce classement, et leurs solutions sont partagées entre États-membres. Par exemple, la Finlande partage avec l’Estonie l’utilisation de X-Road, avec qui elle a fondé l’Institut Nordique pour les Solutions d’Interopérabilité (NIIS). L’UE permet donc à la France de coopérer avec d’autres pays pour mettre en place des mesures d’e-gouvernance. Ainsi, le recul de la France dans le classement ne signifie pas une baisse dans le développement de l’e-gouvernance, mais une progression relative plus lente comparée à celle des autres pays.

Citée déjà dans le rapport de 2018, la politique du gouvernement Action Publique 2022, qui vise à rendre numériques 250 démarches administratives phares, illustre la volonté de la France de mettre en place un gouvernement digital dans la stratégie nationale. Il faut également rajouter que la France est un des seuls pays qui fait ouvertement référence aux problèmes d’inclusion dans sa stratégie d’IA, prouvant que l’adoption des NTIC se fait avec une grande considération des enjeux et impacts potentiels. Ainsi, il est probable que ces conditions favorables verront la France mieux classée dans le prochain rapport de 2022.

En partenariat avec l’IAE de Paris, Artimon étudie les démarches de digitalisation des services publics en France dans le but d’identifier les bonnes pratiques qui pourront être adoptées par les différents acteurs impliqués dans cette transformation.


Sources :

E-Estonia, Interoperability Services
  
Nordic Institute for Interoperability Solutions, History of NIIS
  
ONU, 2018 United Nations E-Government Survey
  
ONU, 2020 United Nations E-Government Survey 

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