Les plateformes MaaS : s’adapter à une mobilité qui évolue

Josefina GIMENEZ - Artimon

Josefina GIMENEZ

Directeur Recherche et Innovation

En tant que manière de repenser la mobilité urbaine, le #MaaS est une adaptation du #transport dans un contexte de transformations sociétales et urbaines : l’apparition de nouveaux acteurs, la congestion et ses impacts négatifs, les nouveaux usages numériques

La perméabilité avec le monde du numérique a fait entrer le transport dans l’économie servicielle, avec une mobilité partagée, individualisée et « sur-mesure » qui court-circuite le schéma traditionnel du transport collectif

L’offre de #MaaS apparaît dans un contexte de bouleversement d’un secteur historiquement monopolistique. Elle pourrait entraîner des changements dans le monde du #transport, comme la repolarisation autour d'un nouvel acteur : le MaaS Provider

Le poids démographique des villes et leur densification en termes de population et d’activités, nécessitent une adaptation du système de transport actuel. Parallèlement, certains territoires restent dépendants de la voiture individuelle, ce qui exclue des parties de la population. Pour offrir une meilleure mobilité, inclusive et accessible, il est nécessaire de mener une réflexion large, qui prenne en compte le secteur dans sa globalité.

Le MaaS : solution digitale et proposition de service

L’apparition des plateformes MaaS, pour Mobility as a Service, solution digitale et proposition de service, est présentée comme une réponse à ces défis de la mobilité urbaine.

Cette nouvelle approche de la mobilité est un modèle d’organisation centré sur l’usager. Les différents modes présents sur le réseau de transports (publics et privés) sont concentrés sur une même plateforme numérique qui exploite les informations en temps réel pour offrir la meilleure expérience de transport possible. Cela permet une organisation intelligente de la mobilité offrant des réponses personnalisées et adaptées aux besoins et préférences de l’utilisateur.

Fig. 1 Mobility as a Service : créer une plateforme unique de services de mobility, regroupant tous les modes et acteurs du transport

En tant que manière de repenser la mobilité urbaine, le MaaS apparaît comme une adaptation de la mobilité dans un contexte de transformations sociétales et urbaines :

  • Une offre de mobilité souvent non coordonnée, et une croissance désordonnée du nombre d’acteurs
  • Des axes routiers congestionnés avec des impacts sanitaires, environnementaux et économiques négatifs
  • Une révolution technologique (démocratisation du smartphone, 4G, 5G plateformes) et des évolutions dans les usages du numérique

Des pratiques qui paraissaient immuables évoluent. C’est le cas, par exemple, de la possession d’une voiture personnelle. En 2018, 80,6% du volume de transport en France (voyageur/kilomètre) était réalisé en voiture individuelle, avec 32,7 millions d’automobiles en service pour 64,7 millions d’habitants (soit plus d’une voiture pour 2 individus). Cette tendance au « tout voiture » est aujourd’hui questionnée, notamment par les nouvelles générations. On observe ainsi une perte de la symbolique sociale de la voiture chez les moins de 35 ans. Dans les faits, cela se traduit par une diminution de la part des 25-35 ans détentrice du permis de conduire. Parallèlement, la prise de conscience de l’impact environnemental du recours à la voiture individuelle est désormais partagée à travers l’ensemble de la population. Ce mode de déplacement ne semble plus adapté à la mobilité en zones urbaines, où il devient plus synonyme de problème que de solution aux besoins de transport.  

Au-delà de la seule voiture individuelle, la possession même de son propre moyen de transport n’est plus une évidence. La révolution technologique, associée à la 4G, à la démocratisation du smartphone et à la massification des plateformes, a permis l’arrivée de nouveaux acteurs issus de la « tech » appelés Transportation Network Companies (TNCs) tels Uber, Lyft ou Lime. Cette perméabilité avec le monde du numérique a fait entrer le transport dans l’économie servicielle, avec une mobilité partagée, individualisée et « sur-mesure » qui court-circuite le schéma traditionnel du transport collectif.

C’est donc dans un contexte de bouleversement d’un secteur historiquement monopolistique, qu’apparaît l’offre de Mobility as a Service. Un concept qui pourrait entraîner des changements substantiels dans le monde du transport, comme une repolarisation autour d’un nouvel acteur : le MaaS Provider.

Une nouvelle expérience client centralisée et simplifiée

Les plateformes MaaS peuvent apporter plusieurs intérêts du point de vue de l’utilisateur. A partir d’une application et d’un seul compte, il sera possible de planifier son trajet, le réserver, le payer puis d’utiliser son smartphone comme billet unique pour l’ensemble des modes de transport utilisés au cours de son voyage.

Aujourd’hui plusieurs applications, plus ou moins abouties, sont en cours d’expérimentation : certaines sont plus avancées sur l’intégration des services digitaux (paiement unique, ticket dématérialisé) mais plus limitées en termes de multimodalité et vice-versa.

Ce double axe, niveau d’intégration de services / degré de multimodalité, constitue l’espace d’expérimentation et peut s’adapter selon la position du MaaS Provider au sein de l’écosystème de la mobilité (opérateur public, entité privée, ou partenariat public/privé).

L’idée fondamentale derrière le MaaS est de proposer des itinéraires dynamiques sur-mesure en temps réel, (prise en compte des besoins de l’usager et de la réalité du trafic sur le réseau), et rendre les solutions multimodales plus attractives et plus sûres aux yeux des usagers.

Fig.2 Benchmark de solutions MaaS

En utilisant les infrastructures existantes du transport public (bus, trains, métros) comme colonne vertébrale de la mobilité, le MaaS y apporte les solutions de micromobilité et de mobilités partagées (vélos et scooters en free floating*, covoiturage, VTC). Cette intégration permet des trajets porte à porte, ou la mise en place de dessertes ponctuelles et flexibles pour des zones moins denses où un service fixe n’est pas économiquement viable.

Le MaaS permettrait de rendre les nouvelles offres de mobilité complémentaires de l’offre de transport public.

Créer cette mobilité sans contrainte basée sur les infrastructures et l’offre déjà existante, s’insère dans la volonté d’une mobilité plus efficiente, durable et inclusive, portée par les pouvoirs publics. L’impact ultime des plateformes MaaS avec une performance sans couture pour l’usager, serait la réduction du recours à la voiture individuelle.

Repenser le secteur de la mobilité dans sa globalité

Pour atteindre un tel niveau de service, le secteur du transport devra faire face à plusieurs enjeux :

Enjeux technologiques

En raison du grand volume de données, et de l’interface avec le MaaS Provider, l’aspect technologique est essentiel au fonctionnement pratique du MaaS : mise en place des interfaces de programmation (API), système de paiement unique sécurisé, information ouverte, centralisation des données et traitement en temps réel… Un niveau de complexité technologique supplémentaire qui sera amené à croître avec le développement des véhicules autonomes, synonyme d’une augmentation du volume de données.

Enjeux de gouvernance

La gouvernance va définir le cadre dans lequel vont se développer ces solutions. Il faudra clarifier le degré d’intervention du secteur public, la nature et les rôles du MaaS Provider ainsi que les nouvelles relations contractuelles pour les opérateurs de transport. Outre ces aspects, l’ouverture et la sécurisation des données seront des sujets essentiels et qui font aujourd’hui l’objet de différends.

Enjeux économiques

Les questions autour de la rentabilité des plateformes MaaS restent nombreuses, notamment dues au nombre d’interlocuteurs de différentes natures. La définition des modèles économiques et la coopération entre des acteurs concurrents seront décisives pour le succès de telles solutions. De plus, l’existence de conflits d’intérêt selon la nature des acteurs (rentabilité du MaaS privé vs l’obligation de service public) pourrait rendre ces choix encore plus difficiles.

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