Développement des premiers MaaS français : entre différences et similitudes

Les projets autour d’une offre de « Mobility as a service » se multiplient en France. Certaines régions françaises font figure de précurseurs avec des offres présentant un degré de multimodalité avancé

Trois tendances se dégagent de l’offre MaaS en France : entre différences et similitudes, ces tendances contribuent à l’émergence d’une offre enrichie et globalisée

Un Maas national français : arrivée imminente ?

Les modes de transport et de mobilité ne cessent d’évoluer dans le monde. La France n’y échappe pas et voit arriver les plateformes de « Mobility as a Service » à grand pas. Ce concept né en Finlande en 2014 est simple : une offre de transport multimodale accessible en un clic sur son smartphone. De nombreuses régions françaises ont fait le choix d’investir dans la mobilité au sens des MaaS : Korrigo en Bretagne ou encore OuRa en Auvergne Rhône Alpes. Ces expérimentations en cours, présentant des points communs, ont des différences notables en termes de périmètre et de niveau de multimodalité proposé. Parmi ces initiatives, Mulhouse et Annemasse font figure de précurseurs.

L’agglomération de Mulhouse a été l’une des premières villes françaises à expérimenter un projet de MaaS avec le « Compte Mobilité », disponible sur smartphone depuis mars 2018. Cette application propose une multimodalité avancée mais ne dispose pas encore des fonctions de paiement mobile ou de validation du titre de transport.

Fig 1 – La multimodalité, le point fort du compte mobilité de la ville de Mulhouse

L’application dispose de deux innovations importantes en termes de services proposés : le suivi de la consommation en temps réel et la facturation unique. Ainsi, l’utilisateur peut suivre sa consommation de manière simple à travers l’onglet ‘suivi conso’ de l’écran d’accueil, et n’est pas surpris lors de la facturation ou du prélèvement en fin de mois. Les informations sont actualisées tous les jours, et il est possible de paramétrer un budget afin de recevoir des alertes en cas de dépassement. Également disponible, la facturation unique est une réelle innovation pour une offre multimodale. Ces factures sont classées par mois et détaillent les dépenses par services utilisés.

Annemasse, par sa proximité géographique avec la Suisse et le trafic de voyageurs qui en découle, était un terrain propice à l’émergence d’une plateforme MaaS.

C’est dans ce contexte que la RATP, sa filiale RATP Smart Systems et l’éditeur de plateformes de mobilité Instant System ont mis au point une application destinée à centraliser et faciliter l’offre de transport disponible sur les réseaux TAC (Annemasse) et TPG (Genève). ​Une zone qui se dynamise fortement notamment avec l’arrivée du Léman Express prévue pour fin 2019.

Cette plateforme MaaS présente une multimodalité très avancée et un fort potentiel mais le caractère transfrontalier du réseau pose de nombreuses questions. C’est pour cette raison que l’application proposera davantage de fonctionnalités sur le réseau français comme par exemple l’achat de ticket.

Ainsi, si un usager simule un itinéraire pour aller vers la Suisse, il ne pourra pas acheter son ticket via l’application du fait du caractère transfrontalier de celui-ci. Progressivement, l’application doit tendre à la généralisation de ces services au réseau de Genève et intégrer davantage de prestations, comme la validation mobile.

« Misant sur le multimodal, soit la capacité d’une application à prendre en compte les horaires et les itinéraires de différents moyens de transports, la SNCF recense désormais, et agrège à l’échelle de la France entière, des offres aussi hétéroclites que la voiture, la moto-taxi, le bus, le métro, les autocars et le covoiturage. Ou encore le vélo. Et le train bien sûr. »

Guillaume Serries, « La SNCF pousse à nouveau vers le multimodal, et le paiement sur smartphone », 18/06/19

Depuis quelques semaines, la SNCF a lancé ce qui semble être à ce jour l’offre de mobility as a service plus aboutie en termes de zone géographique couverte : l’application SNCF devient « l’assistant SNCF ». Cette plateforme a une couverture géographique impressionnante :

  • 100% des villes de plus de 100 000 habitants, soit plus de 500 villes
  • Ce qui couvre 70% de la population française

Pour l’heure, le degré de multimodalité est faible, se limitant aux services de transport en commun et leurs filiales, mais tout laisse penser que cette application va très vite s’enrichir puisque l’entreprise a déjà annoncé avoir « conclu des accords avec des partenaires emblématiques tels qu’Uber et Onepark ».

D’autre part, ce qui fait la richesse de cette plateforme est son niveau de services disponibles : optimisation de trajets, visualisation des modes de transports disponibles autour de l’usager, information voyageurs en temps réel, système d’alerte trafic et, dans certains cas, validation de ticket sur mobile.

La SNCF propose un identifiant unique pour toutes ses applications. Les utilisateurs peuvent acheter leurs titres de transports via le site « Oui SNCF ». Aussi, le paiement mobile (NFC) est déjà disponible dans la ville de Strasbourg, et il devrait s’étendre rapidement à d’autres villes afin de permettre aux usagers de régler leur titre de transport à bord ou de valider leur carte par mobile.

Fig 2 – Typologie de l’offre MaaS en France.jpg

Les plateformes de MaaS françaises proposent, pour le moment, seulement une partie des services de ce qui est considéré comme le modèle du MaaS : l’application Whim à Helsinki. Cette plateforme est guidée par des facilités de paiement, billettique et facturation, ainsi qu’une offre multimodale complète, qui inclut toute l’offre de transport en commun, mais également VTC, taxi, solutions de micro-mobilité, location de voitures, autopartage…

Les solutions françaises ont encore des développements importants devant elles. Certains acteurs privés se montrent prêts à une coopétition, à l’instar de Uber qui investit l’espace des pouvoirs publics en lançant « Uber Movement Speed », une application qui fournit des données sur le trafic routier. Au premier trimestre 2019, Uber a lancé une offre à destination des opérateurs de transports en zones urbaines, et fournit des données sur l’état du trafic en fonction des zones et heures dans 6 villes majeures : « New York, Seattle, Cincinnati, São Paulo, Nairobi et Londres ». Egalement, le cadre législatif français semble encourager une coopération des acteurs publics et privés, mais sa mise en place est complexe. Les nombreux acteurs de l’environnement de la mobilité obéissent à des logiques différentes, et ils ne semblent pas pour le moment avoir trouvé un terrain d’entente concernant le partage de la valeur. Les MaaS se développent à l’échelle locale, l’arrivée de l’assistant SNCF laisse penser qu’un MaaS national pourrait être envisagé. Reste à voir à quel horizon pourront être intégrés les services privés de mobilité, afin de faire progresser l’offre globale de transport en France.


Références :  

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